La Serbie disposerait d'infos concernant l'enquête sur le trafic d'organes au Kosovo

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D'après la commission chargée des personnes disparues auprès du gouvernement serbe, le sort de 1.658 individus sur les 5.800 personnes disparues depuis 1998 pendant le conflit armé au Kosovo-et-Métochie n'est toujours pas connu. Parmi eux, près de 540 sont des Serbes.

Les autorités serbes indiquent que les enlèvements au Kosovo ont commencé en 1998 et visaient essentiellement des civils de nationalité serbe et d'autres non-Albanais. Le Tribunal spécial international et le Parquet spécial pour les crimes commis au Kosovo en 1998-1999 ont été créés pour mener les enquêtes, mais n'ont annoncé qu'ils étaient prêts à travailler qu'en juillet 2017.

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Tout a commencé avec le rapport de 2010 du représentant spécial du Conseil de l'Europe Dick Marty consacré aux crimes du groupe terroriste Armée de libération du Kosovo (ALK). Parmi les crimes les plus graves: trafic de stupéfiants, kidnappings, et trafic d'organes. Le procureur spécial Jack Smith s'est rendu fin octobre 2018 à Pristina, mais aucune accusation n'a encore été formulée. Milovan Drecun, président de la commission pour le Kosovo-et-Métochie au parlement serbe, explique la position des autorités serbes et les perspectives du procès.

Question: De quelles informations sur la disparition de personnes dispose votre groupe de travail pour l'enquête sur les crimes au Kosovo-et-Métochie auprès de la commission parlementaire pour le Kosovo-et-Métochie?

M.D.: «Notre groupe de travail a créé une base de données commune sur les crimes de l'ALK terroriste en 1998-1999 et dans les années 2000. Mais il faut savoir que nos organes publics, après l'arrivée des forces internationales au Kosovo en été 1999, ont été restreints dans l'enregistrement des crimes et des preuves. Mais nous avons réuni une base de données commune, nous l'avons divisée entre les zones de responsabilité de l'organisation de l'ALK, et par types de crimes — meurtres, tortures, privations illégales de liberté, viols. Ainsi, nous avons accompli une grande partie du travail. Bien sûr, nous n'avons pas non plus oublié le trafic d'organes.

Plus tôt, nous avions également publié plusieurs rapports obtenus par différentes missions internationales. Il est question d'informations préliminaires recueillies par la mission UNMIK de l'Onu et ses départements, par exemple des données du rapport sur l'inspection du site au sud de la ville de Burrel en Albanie par un groupe d'enquête du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY). Ce dernier avait constaté, dans ce qu'on appelle la «maison jaune», la présence de traces de sang ainsi que d'autres preuves (vaisselle et outils médicaux, ndlr): c'était le premier indice de l'existence d'un trafic d'organes.

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Nous disposons également du rapport sur la rencontre, le 30 octobre 2003, entre le chef de la représentation du TPIY à Pristina et Skopje, Eamon Smith, et le directeur du département de la justice de la mission UNMIK de l'Onu au Kosovo, Patrick Lopez Terres, pendant laquelle ils avaient évoqué la question du trafic d'organes. Le rapport mentionne les informations, les dossiers et les activités d'enquête de l'UNMIK.

Il stipule que ce sont des informations confidentielles et qu'il existe plusieurs témoins albanais, désignés par des chiffres dans le rapport, qui ont expliqué en détail comment ils avaient partiellement participé au trafic d'organes. Je pense que ce sont des informations très importantes pointant directement l'implication de beaucoup de personnes, notamment des autorités albanaises sur le territoire desquelles tout cela se déroulait, ainsi que des agents des services de renseignement et de la police d'Albanie. Sont également impliqués les membres du clan de Ramush Haradinaj (actuel premier ministre du Kosovo) et Daut Haradinaj (député), l'antenne de l'ALK dans la région de Drenica dirigée par l'actuel Président de la république autoproclamée Hashim Thaçi, le gouvernement albanais de l'époque, et ses renseignements. Ressort notamment l'implication de l'agent de la sécurité nationale albanaise Bashkim Gazidede et des membres des services de renseignement de l'ALK terroriste dirigés à l'époque par l'actuel président du parlement du Kosovo autoproclamé Kadri Veseli. Il y avait suffisamment d'informations pour que le tribunal de La Haye travaille plus sérieusement, à l'époque, pour découvrir la vérité sur les personnes portées disparues, notamment qui avaient été enlevées dans l'objectif de voler leurs organes.

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Notre groupe de travail a effectué un grand travail, mais l'État serbe a les mains liées. Nous ne pouvons pas mener l'enquête sur le territoire de l'Albanie et au Kosovo-et-Métochie pour obtenir de nouvelles informations».

Question: Avez-vous transmis les informations que vous avez recueillies aux structures internationales, notamment au Tribunal spécial pour les crimes commis au Kosovo, et quel sera le sort procédural de ces informations?

M.D.: «Nous avons établi le contact avec le Parquet spécial, qui peut avancer des accusations contre les membres de l'ALK terroriste en lien avec les crimes commis au Kosovo-et-Métochie. Nous avons commencé à coopérer avec lui afin d'aider à rétablir la vérité et à traduire en justice les coupables.

Mais le fait est que le Parquet spécial et le Tribunal spécial sont basés sur les lois adoptées à Pristina par l'État illégal non reconnu par la Serbie, c'est pourquoi la coopération se déroule dans un cadre neutre. A présent, nous devons trouver un modèle juridique pour coopérer avec le Parquet spécial. Cela se fera certainement par le biais des mécanismes de l'UE.

Notre intérêt prioritaire est d'exercer, en fournissant une quantité maximale d'informations, une influence suffisante pour que le Parquet ne renonce pas à inculper les membres de l'ALK. Nous leur avons présenté la base de données, des documents saisis dans les QG de l'ALK en 1998-1999. Ces informations permettent de recréer la structure organisationnelle et de déterminer qui occupait quel poste dans la chaîne de commandement. Cela revêt une importance décisive pour déterminer la responsabilité collective, car les accusations doivent être avancées par le Parquet spécial aussi bien contre les exécutants directs que dans le cadre d'une responsabilité collective, afin d'inculper les anciens membres de la direction de l'ALK: Thaçi, Çeku (chef adjoint de la Force de sécurité du Kosovo Agim), les chefs des zones opérationnelles et des brigades. Ainsi, Haradinaj ne doit pas être rassuré de ne pas figurer parmi les accusés, même s'il a été disculpé plus tôt par le TPIY.

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Nous avons clairement présenté la gravité et l'ampleur des crimes commis, et le Parquet spécial a été très satisfait par ce que nous avions transmis. Bien sûr, nous n'avons pas transmis les preuves dont nous disposions. Nous pourrons le faire quand nous déterminerons les fondements juridiques de la coopération. A présent, vu leur intérêt, nous pouvons comprendre quelles affaires seront examinées, mais je ne peux pas le dévoiler pour l'instant».

Question: Quels pourraient être les délais des premières mises en accusation?

M.D.: «Les collèges spéciaux de juges ont été constitués, le Parquet spécial travaille déjà depuis plusieurs années. Les avocats de la défense ont été désignés, leur liste a été établie, comme celle des avocats des plaignants. Contrairement à la TPIY, les intérêts des plaignants ne seront pas représentés par le parquet mais par des avocats. Les conditions formelles ont été créées, l'UE a assuré les fonds de financement, le tribunal ne se situe pas sur le territoire du Kosovo. Dans ce sens, toutes les conditions ont été réunies et on attend à présent les mises en accusation.

Voilà ce que je peux vous dire d'après nos contacts avec le Parquet spécial. Il s'agit actuellement d'une phase décisive, pendant laquelle il sera décidé de lancer la mise en accusation ou d'y renoncer. Cela dépend avant tout du nombre et de la qualité des preuves réunies sur les crimes commis. Je pense qu'à l'étape actuelle et après la décision du Parquet spécial, s'il décidait de mettre en accusation, nous pouvons nous attendre à ce que cela soit fait. Quoi qu'il en soit, nous approchons de la phase finale de ce processus».

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