Pourquoi la crise des Gilets jaunes n’a-t-elle pas éclaté lors de la loi Travail?

© SputnikL'acte 5 des Gilets jaunes sous haute surveillance à Paris, 15 décembre 2018
L'acte 5 des Gilets jaunes sous haute surveillance à Paris, 15 décembre 2018 - Sputnik Afrique
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L’impopulaire loi Travail, validée par décret, n’avait pas mené à une mobilisation d’ampleur, contrairement aux Gilets jaunes. Pourquoi les Français se sont-ils peu mobilisés contre la loi Travail de Macron tout en s’insurgeant pour une hausse de la taxe sur le carburant? Sputnik s’est entretenu avec l’économiste Patrick Louis à ce sujet.

La France n'a pas connu d'importantes mobilisations contre la loi Travail, pourtant très contestée durant le quinquennat de François Hollande, qu'Emmanuel Macron a fait passer par décret. C'est bien l'instauration d'une nouvelle taxe sur le carburant qui a été l'élément déclencheur de la crise des Gilets jaunes, engendrant des manifestations d'ampleur un an et demi après l'investiture d'Emmanuel Macron.

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Pour Patrick Louis, les Gilets jaunes sont l'expression d'un vase qui a débordé:

«Pour moi, il n'y a pas de rapport immédiat entre la loi Travail et les Gilets jaunes. C'est une question de temps. La loi Travail a commencé à inspirer un peu les populations. Le niveau de colère augmente comme l'eau augmente dans le verre et commence à déborder. La loi Travail touchait essentiellement le monde des gens qui n'ont pas de travail et surtout le monde des entreprises où il y a des syndicats, des grandes entreprises industrielles plutôt dans les villes. […] La population des Gilets jaunes n'est pas exactement la même, et n'a pas été touchée en même temps que celle de la loi Travail.»

Les raisons de la révolte des Gilets jaunes sont largement discutées sur le Net, ainsi que par les commentateurs de tous niveaux. L'ancien eurodéputé explique au micro de Sputnik ce qui l'a provoquée. Selon lui, ce mouvement est un phénomène pour lequel il y a une variété de différentes causes dans la société, notamment des causes économiques, sociales et sociétales.

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«C'est l'aspect social et il faut se rendre compte que l'État n'a plus d'argent. La France est endettée mais, elle trouve de l'argent pour financer l'immigration, pour financer tout un ensemble de choses, pour dire: on va accueillir plus de pauvreté, etc., alors que ces gens des campagnes ont travaillé toute leur vie, ont souvent cotisé et eux, ils se retrouvent avec moins de droits sociaux que des gens qui n'ont jamais cotisé pour pouvoir en bénéficier. Et on doit comprendre que dans ce cas-là vous avez la photo, la sociologie des gens qui manifestent.»

Il estime que les revendications des Gilets jaunes se sont axées sur deux éléments principaux résumables au fait qu'il y a de l'argent quelque part dans le gouvernement mais que la population ne le touche pas.

«Les gens ne comprennent plus: l'État s'occupe de tout, mais il ne s'occupe pas de moi. C'est une vraie révolte avec des causes économiques, des causes de justice sociale et des causes d'identité».

L'universitaire français évoque aussi le rôle des syndicats dans la formation du mouvement qui, d'après lui, sont placés à la périphérie des manifestations et n'ont pas une grande importance dans cette lutte.

«Les syndicats sont dépassés. Nous avions la semaine dernière [du 29 novembre au 6 décembre 2018, ndlr] les élections syndicales, les syndicats sont dépassés et essaient de rentrer dans le jeu pour ne pas voir le monopole de contestation leur échapper.»

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Il estime évident qu'Emmanuel Macron n'est pas en position de céder aux revendications des Gilets jaunes, car aujourd'hui c'est la crise de l'impuissance publique en France qui se dessine et empêche les autorités de réagir par rapport à un malaise général du peuple français, ainsi que changer les choses en profondeur.

«Macron ne peut pas agir parce qu'il est coincé dans le cadre européen. Il a un déficit budgétaire qui est très élevé, on a une dette qui est élevée et il n'a pas le contrôle de sa monnaie ni de son budget. Donc, il ne peut pas se remettre en cause parce que la politique ne se fait plus à Paris, elle se fait à Bruxelles. Il y a des grands firmes multinationales qui ont des intérêts à ce qui s'y passe, et ce n'est pas forcément l'intérêt des entreprises françaises moyennes ordinaires ou du peuple français.»

L'économiste conclut en disant que la situation actuelle en France nous a amenés à ce jour où «nous sommes en face d'une impuissance publique. Mais Macron s'occupe de tout sauf de l'intérêt immédiat de son peuple».

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