Droit d’auteur: quand multinationales et défenseurs de la liberté sont du même côté

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Le Parlement européen a rejeté le 5 juillet la réforme européenne du droit d'auteur. Le texte devait bouleversait internet en permettant aux créateurs de contenus d’être mieux rémunérés par les plateformes de diffusion. C’était sans compter sur une alliance de circonstances entre GAFA et défenseurs de la liberté sur le Net.

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Le Parlement européen a été le théâtre d'un retournement de situation qui a surpris son monde le 5 juillet. Alors que les défenseurs de la réforme européenne du droit d'auteur pensaient avoir gagné la bataille, le texte a été rejeté par 318 voix contre, 278 pour et 31 abstentions. Proposée par la Commission européenne en septembre 2016, l'objectif principal de la réforme est de moderniser une législation inchangée depuis 2001. L'idée principale est d'obliger les hébergeurs de contenus à mieux rémunérer les créateurs et à nouer des accords avec les ayants droit. Les éditeurs de presse dont les articles sont repris par Google ou les maisons de disques dont certains contenus sont hébergés sur YouTube étaient par exemple de grands défenseurs du texte de même que de célèbres artistes comme le Beatles Paul McCartney. La directive prévoit aussi la création d'un nouveau «droit voisin» pour les éditeurs de presse (article 11). Il permettrait aux journaux, magazines, mais aussi aux agences de presse de se faire rémunérer lors de la réutilisation en ligne de leur production.

​Seulement voilà, les géants du Net ne veulent pas en entendre parler et pour cause. Aujourd'hui, la loi européenne prévoit que si un contenu soumis à des droits d'auteur est publié de manière illégale par un internaute, c'est lui qui est responsable. L'hébergeur ne peut être mis en cause que s'il a été prévenu qu'un contenu illégal est disponible sur sa plateforme. Une loi parfaite pour permettre à des startups de devenir des compagnies multimilliardaires. 

Pour cette raison, les GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon) ont mené une campagne de lobbying très importante afin de faire rejeter le texte. Campagne qui a porté ses fruits. Au grand dam des défenseurs de la réforme.

«Il est incroyablement décevant de constater que le Parlement européen, après avoir fait l'objet de pressions féroces de la part d'opposants utilisant de faux arguments, n'a pas soutenu les droits des créateurs», a réagi le musicien Jean-Michel Jarre, président de la Confédération internationale des sociétés d'auteurs et compositeurs (CISAC).

Le député français au Parlement européen Marc Joulaud (PPE, centre-droit) est même allé plus loin et a dénoncé «une campagne de lobbying d'une violence sans précédent orchestrée par les GAFA».

Mais les géants américains du Net n'ont pas été les seuls à mener bataille contre le texte. Ils se sont trouvés des alliés inattendus dans cette guerre. Plusieurs associations d'activistes de la liberté sur internet dénonçaient une réforme qui allait verrouiller la toile. Wikipedia, célèbre encyclopédie en ligne, avait appelé ses utilisateurs à faire pression sur leurs députés européens. De plus, le 4 juillet, le site n'était plus disponible dans plusieurs pays européens en signe de protestation.

​«La directive menacerait la liberté en ligne et imposerait de nouveaux filtres, barrières et restrictions pour accéder au Web», a notamment expliqué Wikipédia Espagne dans un communiqué. 

«Si la directive était approuvée sous sa forme actuelle, des actions comme le partage d'informations sur les réseaux sociaux ou l'accès à des informations grâce à un moteur de recherche seraient beaucoup plus compliquées sur internet.»

Sur Twitter, la députée européenne PS Pervenche Berès s'est désolée de cette fronde commune: «Les GAFA, qui volent les artistes, ne payent pas d'impôt, ont gagné une bataille. Quel angélisme de la part de ceux qui pensent défendre les consommateurs.»

Les défenseurs du texte ont certes perdu une bataille mais peut-être pas la guerre. En effet, le texte sera de nouveau débattu en septembre lors d'une session plénière du Parlement européen ou l'ensemble des eurodéputés pourront amender le texte avant un nouveau vote. Peut-être l'occasion d'une nouvelle alliance de circonstances entre GAFA et Wikipédia.

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