La chasse aux talents est ouverte en Chine ! Pékin délivre des visas VIP

© REUTERS / Jason LeePékin
Pékin - Sputnik Afrique
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Formalités simplifiées, rapides, à destination des scientifiques, hommes d’affaires et autres spécialistes top niveau, la Chine inaugure un nouveau visa à destination des «talents étrangers haut de gamme». Une sorte de pass VIP pour aider Pékin à passer du «made in China», au «created in China». Explications.

2018 est l'année du chien en astrologie chinoise, et visiblement, il s'agit d'un chien de chasse… aux compétences. En effet, un nouveau type de visa est entré en vigueur le 1er janvier 2018, à destination des «talents étrangers haut de gamme».

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Les nouveaux visas que propose Pékin, dont la validité sera comprise entre 5 et 10 ans, permettront à leurs détenteurs de séjourner jusqu'à 180 jours consécutifs en Chine et d'entrer et de sortir librement du territoire. De quoi faire des affaires, donner des conférences… dans des conditions de confort administratif incomparables avec celles du commun des mortels.

Les formalités sont simplifiées. Tout se fait en ligne, gratuitement, et prend, selon les sources officielles, entre 1 et 5 jours. Les documents transmis pour la demande de visa sont centralisés et accessibles aux différentes administrations concernées. Mieux encore, vos démarches valent également pour votre conjoint et vos enfants. À condition d'être «haut de gamme».

Tous ne sont en effet pas éligibles. Les critères de sélection sont drastiques et ces visas ne seront délivrés qu'à ceux que Pékin considère comme « l'élite ». Ce dispositif a été imaginé et initialement prévu pour bénéficier à un demi-million de personnes environ.

Le secteur scientifique est mis à l'honneur. Tant les chercheurs dont l'excellence est reconnue que les journalistes scientifiques et technologiques sont cités comme étant de potentiels candidats au visa réservé aux «talents haut de gamme». La reconnaissance de ces derniers se mesure, pour le gouvernement chinois, aux prix qui leur ont été décernés par les institutions scientifiques de référence — parmi lesquels la fondation Nobel, mais également le CNRS.

L'élite économique est également bienvenue. Ainsi, les directeurs d'institutions financières majeures sont également éligibles. Plus parlant encore, toute personne gagnant à l'année plus de six fois le salaire moyen chinois, soit entre 60 et 80.000 euros annuels peut prétendre à un visa «VIP».

Les élites politiques et culturelles ne sont pas en reste. Les anciens membres de gouvernement, tout comme les directeurs d'institutions universitaires de renommée mondiale ou les médaillés olympiques ont la possibilité d'obtenir ce visa.

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Les premiers visas de ce type ont été délivrés au tout début du mois de janvier et les trois premiers bénéficiaires sont d'ores et déjà connus. Il s'agit de Sajualumootll George, directeur des ressources humaines pour la région Asie-Pacifique chez Microsoft, de Chong Gu, statisticien et professeur américain de l'université Purdue et de Lucio Soibelman, responsable du département d'ingénierie civile et environnementale de l'Université de Californie du Sud. Tous trois sont mondialement reconnus dans leur domaine d'expertise.

L'intégralité des conditions d'éligibilité a été définie par le Ministère des Affaires étrangères, le ministère de la Sécurité publique ainsi que par l'Administration d'État pour les experts internationaux et a été publié par cette dernière. Ces conditions peuvent, selon le gouvernement chinois, «être ajustées en fonction des besoins du pays».

L'octroi de tels visas s'inscrit dans une logique à long terme dont les grands principes ont été rédigés il y a une décennie et détaillés dans le Plan national de développement du talent pour la période 2010-2020.

Pénalisée des années durant par la politique du «brain drain» (captation des cerveaux) américaine depuis les années 90, la Chine a tout fait depuis vingt ans pour faire revenir ses ressortissants diplômés des grandes universités américaines et occidentales. Et la stratégie commence à payer. Selon le Times Higher Education, le nombre d'étudiants revenant à la fin de leurs études est en constante augmentation, incités par de généreuses aides et bourses pour financer leurs projets professionnels.

Pékin passe désormais à l'étape suivante, qui n'est plus seulement d'inciter ses jeunes à revenir, mais également de pousser les étrangers à venir s'installer durablement en Chine pour faire des affaires. Le Premier ministre chinois, Li Kenqiang, reconnaissait en septembre dernier la «nécessité d'avoir une politique plus ouverte vis-à-vis de l'étranger» dans un contexte où le pays est à un «stage critique pour la restructuration de l'économie» nationale.

Le plan national de développement du talent a pour but d'améliorer l'image de marque de la Chine et de passer du «made in China», synonyme de mauvaise qualité pour beaucoup, au «created in China» qui impliquerait une innovation technologique à un coût mesuré. Pour parvenir à ce changement d'image, la Chine doit devenir une force d'innovation et a pour cela besoin de capter les talents venus du monde entier.

Le gouvernement chinois en a conscience et estime que mettre l'accent sur l'attraction du capital humain après avoir passé des années à se concentrer sur le capital financier est un «élément clé pour faire de la Chine un pays attractif et dynamique pour le travail» ainsi que pour «atteindre les objectifs de développement économique et social» que s'est fixé le pays.

«La Chine envoie un signal comme quoi elle souhaite accueillir les plus grands talents du monde entier et qu'elle est disposée à créer les conditions pour que ces talents puissent vivre et travailler en Chine.»
Wang Huiyao, directeur du Centre pour la Chine et la Mondialisation, Pékin.

La Chine a donc l'intention d'imposer son propre «brain drain» à d'autres pays.

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"À tous les scientifiques, ingénieurs, entrepreneurs, citoyens responsables qui ont été déçus par la décision du Président des États-Unis, je veux dire qu'ils trouveront en France un deuxième foyer. Je les enjoins à venir et à travailler ici avec nous", disait Emmanuel Macron après la décision de Donald Trump de se retirer de l'accord de Paris sur le climat. Une déclaration qui avait fait sourire outre-Atlantique et qui n'avait guère été suivie d'effet.

Alors que le Président de la République est en visite en Chine, saura-t-il mieux convaincre les étudiants et les talents français de ne pas céder aux sirènes de Pékin, qui promet aux meilleurs des postes intéressants et des salaires défiant toute concurrence? 

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