Sauvetage à Saint-Martin, entreprise coloniale?

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Après la polémique sur la préparation des secours pour les Antilles et celles sur les pillages, la toile s’est emparée d’une photo prise par un de nos confrères. Elle représente un militaire tenant dans ses bras une petite fille. Certains y ont vu des relents coloniaux, d’autres une opération de propagande. Une tempête dans un verre d’eau.

Je ne sais pas si c'est parce que je manque de vacances ou quoi (ce n'est pourtant pas si loin), mais voilà que je l'envie me reprend de vous parler de Saint-Martin. Il paraît que la villa des Halliday est dispo.

​​​​Mais non, ce n'est pas ça, c'est une fois de plus la bêtise crasse et le cynisme de mes contemporains qui me fait bouillir les sangs et là, il faut que ça sorte. Oh, j'ai presque honte, ce ne sont que des peccadilles ridicules par rapport aux drames que vivent les habitants, leur île détruite de fond en comble, les pillages, la pénurie, tout ça, nous en parlions il y a peu. Mais voilà, c'est tout de même révélateur.​

Je vais donc commencer par la bêtise crasse. Ce qui l'a déclenchée? Une simple photo d'un de nos confrères de France Info. Si, si, je vous avertis tout de suite, je vais prendre la défense d'un confrère Mainstream, ça n'arrive pas tous les jours.

Vous l'avez peut-être vu tourner dans les médias ou sur les réseaux sociaux. On y voit un militaire —blanc- tenir dans ses bras une petite fille —noire- je précise, parce que c'est important pour la suite, sinon, personnellement, je m'en fous. Lui, les yeux fermés, arbore un sourire tendre, elle est complètement abandonnée dans ses bras.

Et alors, c'est grave, docteur?

Ben apparemment oui, pour certains internautes qui ont vu dans cette image des relents colonialistes, comme celle qui a tweeté:
«Le gentil militaire blanc venu sauver un bébé noir. Colon un jour, mentalité de colon toujours».

​Bon, on comprend mieux quand on voit que la dame se définit ainsi sur Tweeter:

«Caribéenne & banlieusarde donc décoloniale. D'ascendance esclave et coolie, mes impôts continuent d'engraisser racisme structurel et blantriarcat.»

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Je n'en fais pas une affaire personnelle, hein. Je ne connais pas cette dame, elle est juste représentative d'un certain courant de pensée qui sévit sur les réseaux sociaux. Donc à force de se regarder le nombril —qui est sûrement charmant, n'en doutons pas- cette dame finit par tout voir par le prisme de ses ancêtres et de sa couleur de peau —un peu comme si je me définissais comme «d'ascendance polonaise, donc mineur de fond plombier et antisémite». Détendons-nous deux minutes, nous ne sommes pas uniquement définis par notre arbre généalogique ou notre couleur de peau, et certainement pas par ce qu'ont fait nos ancêtres —en bien ou en mal, esclave ou colonisateur-. Si on est chrétien, on porte déjà le poids du péché originel, c'est déjà bien suffisant.

Et donc cette monomaniaque finit par voir le monde qui l'entoure au travers de ce prisme oh combien réducteur. Mais non, madame, il n'y a pas de relents coloniaux là-dedans. Le soldat aurait bien pu être noir, il y en a plein qui servent la France avec dévouement, la fillette aurait pu être blanche, il y a en a plein qui habitent Saint-Martin. Et puis si on n'avait pas été secourir les populations de l'île, vous auriez fustigé l'abandon dont sont victimes les populations noires, parce que noires, sans doute?

Bref, cette polémique stérile ne servira qu'à alimenter quelques colloques tenus entre personnes de couleur et de sexe féminin dans des camps d'été décoloniaux qui doivent sentir bon la bile, la hargne et l'entre-soi.

Alors, comme le disait donc thomas snegaroff, un autre journaliste coupable d'avoir relayé la photo du débat: «Donc merci de remballer vos propos sur mon prétendu "néo-colonialisme". Merci.»

​Et comme j'ai toute votre attention, vous n'avez pas oublié que je parlais aussi de cynisme (et pas de fainéantise ou d'extrémisme, hein) au début. J'y viens, par le biais de la bêtise, encore. 

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Parce que mon confrère a été aussi accusé de faire de la propagande, la comm» de Macron ou de l'armée française avec cette photo. Certes, pour certains plumitifs, cirer les pompes du pouvoir est une seconde nature, mais je ne pense pas que ce soit le cas ici.

Alors, bien sûr, la photo a l'air trop belle pour être vraie, mais Matthieu Mondoloni —le confrère en question- s'en explique très bien:

«J'ai pris cette photo de façon instantanée. Ni le militaire ni la petite n'ont posé. Ce n'est pas de la com pro ou anti je ne sais qui ou quoi. C'est un instant de vie. J'en ai vu beaucoup ici, des émouvants, des déchirants. Celui-ci est bien réel. Oui, ce soldat était ému, heureux, d'aider cette petite fille et sa famille à entrer dans l'aérogare.»

​Il faut bien n'avoir jamais quitté le confort de Paris pour se confronter au cauchemar d'un terrain de guerre ou de catastrophe pour imaginer que dans de telles circonstances, tout est uniformément horrible. Je peux en témoigner, dans les pires circonstances, on a des moments d'humanité, des instants de grâce, des virgules de douceur dans le chaos. «La vie est un lac de merde sur lequel flottent quelques pétales de rose», disait avec justesse le général de Castelneau.

Et comme le souligne Matthieu Mondoloni, «Ce genre de débat stérile me semble tellement loin de ce que vivent TOUS les gens (habitants, secours, militaires, etc.) ici, très, très loin».

​Et c'est là que j'arrive au cynisme: imaginer que Macron ait besoin de renfort dans son entreprise de communication tropicale prête à sourire: conf» de presse devant des avions de transport, en bras de chemise comme s'il venait de décharger le Transall, sieste sur un lit de camp soigneusement photographiée, comme le petit lever du Roi Louis XIV, toilette au seau, Ken Macron vient de s'offrir une nouvelle panoplie, celle de Bernard Kouchner en Somalie.

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