Au-delà, les derniers événements de la campagne électorale, ce que l'on appelle « l'emailgate », indiquent que, quel que soit le vainqueur, il sera un Président affaibli, voire paralysé. C'est peut-être le paradoxe central de cette élection qui devrait désigner l'homme (ou la femme) le plus puissant du monde.
En effet, Mme Clinton, est en train de payer aujourd'hui ses imprudences et son arrogance, comme on le voit avec l'affaire du scandale de ses courriels.
Mme Hillary Clinton a utilisé, de 2009 à 2013 dans ses fonctions officielles de Secrétaire d'État, une messagerie privée et ce en parfaite violation du Federal Records Act. Cette loi impose en effet une copie pour archivage des communications officielles des élus et hauts fonctionnaires pour des activités liées à leur mandat (1). Elle ne pouvait ignorer qu'elle violait la loi, ayant en 2007 comme sénatrice reproché à des élus républicains leur utilisation de mails privés dans le cadre de leurs fonctions. De plus, en 2011 elle envoya, depuis sa messagerie privée un message enjoignant aux ambassadeurs américains de ne pas utiliser des adresses privées. Elle ne pouvait donc ignorer que ce qu'elle faisait — elle — était contraire aux lois et règlements. C'est la commission d'enquête parlementaire sur Benghazi (soit l'attaque du bâtiment consulaire des USA à Benghazi qui conduisit à la mort de l'ambassadeur Stevens et de quatre autres personnes) à la découverte de cette pratique. Le New York Times devait alors révèler, en 2015, l'utilisation par Hillary Clinton de sa messagerie privée (2).
Les spectres d'Hillary
Il sera ainsi si, déjouant la forte remontée de Donald Trump dans les sondages, Hillary Clinton devait être élue. Elle est déjà très faiblement légitimes aux yeux de nombreux électeurs démocrates, qui lui reprochent ce qu'il faut bien appeler des « magouilles » lors de la primaire pour évincer Bernie Sanders. La révélation que les débats précédant la primaire du parti Démocrate ont été truqués, et que Hillary Clinton connaissait à l'avance les questions qui allaient lui être posées, ne fera que confirmer aux yeux des partisans de Bernie Sanders le traitement injuste dont ce dernier a été l'objet par la direction du parti. D'ailleurs, si ce dernier s'est rallié à Hillary Clinton par discipline de parti, de nombreux membres de sa campagne ont déserté le camp démocrate.
Quel que soit l'impact de cette enquête sur l'élection du 8 novembre, la machine judiciaire est en marche. Hillary Clinton devra répondre aux enquêteurs et risquer une procédure, certes lourdes et très complexe, d'Impeachment. Elle sera donc nécessairement affaiblie durant au moins les deux premières années de sa présidence. La défense d'Hillary Clinton n'a pas peu contribué à sa faiblesse actuelle. Accusant ses différents adversaires de « faire le jeu de Vladimir Poutine », elle a atteint un sommet dans le ridicule en faisant accuser par son directeur de campagne James Comey de jouer pour Poutine (6).
Si elle devait trébucher, et laisser la victoire à Donald Trump, elle ne le devrait qu'aux erreurs répétées qu'elle a commise depuis ces dernières semaines. Même si elle est élue, il se pourrait bien qu'elle se pose comme Lady Macbeth la question du sang, à la fois réel et métaphorique, qu'elle a sur les mains…
Le monde de Trump
Mais, ce qu'il faut bien comprendre dans le mouvement qui porte Donald Trump, c'est qu'il a réussi à canaliser sur son nom la colère des américains de « main street ». Or, si l'on parle beaucoup de la hausse du salaire moyen aux Etats-Unis, il faut savoir que cette hausse est le produit de 10 % des salaires les plus élevés. Le salaire médian stagne voire baisse, depuis la crise de 2008. Cette colère est immense. Elle porte sur l'inégale répartition de la richesse, mais elle est aussi une réaction face à l'arrogance des 10 % les plus riches, qui n'hésitent pas à insulter quotidiennement le reste de la population.
Quoi qu'il en soit, de cette élection sortira une Présidence affaiblie. Ce qui ne sera pas sans conséquences sur les relations internationales. L'émergence d'un polycentrisme mondial, ce que l'on appelle le « monde multipolaire » est plus que jamais à l'ordre du jour.
(1) https://www.justice.gov/archive/
(3) https://www.law.cornell.edu/uscode/text/18/part-I/chapter-96, voir aussi, United States. Congress. House. Committee on the Judiciary. Subcommittee No. 5. Organized Crime Control. Hearings… Ninety-first Congress, Second Session on S.30, and Related Proposals, Relating to the Control of Organized Crime in the U.S. [held] May 20, 21, 27; June 10, 11, 17; July 23, and August 5, 1970. Washington, D.C.: U.S. Government Printing Office, 1970.
(4) Voir: https://www.gpo.gov/fdsys/pkg/STATUTE-84/pdf/STATUTE-84-Pg922-3.pdf
(5) http://insider.foxnews.com/2016/11/02/judge-jeanine-pirro-hillary-clinton-emails-corruption-rico-go-jail-organized-crime, http://www.nationalreview.com/article/441573/hillary-clinton-corruption-foundation
(6) http://observer.com/2016/10/hillary-clintons-team-decries-fbi-director-james-comeys-double-standard/