Clinton éclaboussée par un scandale impliquant la CIA et des islamistes

© REUTERS / Mark KauzlarichHillary Clinton
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En pleine campagne électorale, la candidate démocrate Hillary Clinton a été rattrapée par un scandale impliquant la CIA. Il est question de l'enlèvement du prédicateur islamique radical Abou Omar en 2003.

En 2003, des agents américains ont capturé Abou Omar en Italie pour l'extrader en Egypte, où le prisonnier, selon ses propos, a subi la torture. Aujourd'hui, l'une des participantes supposées à cette opération, l'ex-agent de la CIA Sabrina de Sousa – risque la prison: on s'apprête à l'extrader en Italie où elle a été condamnée par contumace pour kidnapping.

De Sousa, qui travaillait sous couverture diplomatique, accuse Clinton de ses mésaventures, plus exactement de l'avoir abandonnée sans l'avoir défendue contre la justice italienne et sans lui assurer l'immunité diplomatique. De son point de vue, ce n'est pas seulement la liberté qui est en jeu, mais aussi dans une certaine mesure la réputation du pouvoir américain (qui sera peut-être représenté dans les années à venir par Hillary Clinton). Plus exactement, la question est de savoir si ce pouvoir sera capable de protéger ses représentants à l'étranger.

L'objectif

Abou Omar (vrai nom Nasr Oussama Mustafa Hassan) est un islamiste originaire d'Egypte. Il était associé à l'organisation terroriste Gamaa al-Islamiya impliquée dans l'assassinat du président Anouar el-Sadate en 1981 et le massacre de touristes à Louxor en 1997. Omar a vécu plusieurs années en Albanie, avant de déménager en Italie où il a obtenu le statut de réfugié.

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Selon certaines informations, Omar était un informateur secret de la CIA jusqu'au début des années 2000. Plus exactement du renseignement albanais étroitement lié à la CIA (ses agents ont suivi une formation aux USA, et l'unité antiterroriste, selon les anciens agents, était de facto dirigée par un certain Mike, qui travaillait à l'ambassade américaine à Tirana). En 1995, Omar a été arrêté par les Albanais sur indication de Washington, et il a accepté de collaborer.

Les Albanais recevaient d'Omar des informations sur les activités des terroristes pour les transmettre à la CIA. Comme le notait l'ex-agent Asrit Nasufi, il était devenu une importante source d'informations pour les deux parties. Les Albanais ne le payaient pas, mais l'aidaient à régler les formalités liées à son statut migratoire et un conflit immobilier avec un habitant local.

Puis la collaboration a pris fin. Omar a déménagé en Italie où il a commencé à tenir des discours extrémistes, à fustiger les USA et à inciter ses adeptes à la guerre contre la coalition internationale en Afghanistan et en Irak. 

L'enlèvement

Selon l'une des versions, c'était précisément la cause de son enlèvement (qualifié d'extradition extraordinaire – une procédure officieuse largement appliquée après le 11 septembre 2001 à l'ég, ard des individus soupçonnés de terrorisme). Selon une autre version, l'objectif était de le réutiliser en tant qu'informateur.

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De Sousa, qui était traductrice pendant la préparation de l'opération (elle insiste sur le fait qu'elle n'a pas participé au kidnapping), affirme qu'il n'y avait en réalité aucune raison de procéder à un enlèvement. Selon elle, Omar ne représentait pas une "menace directe" pour les USA, et l'opération a été planifiée par le chef de la cellule locale de la CIA Jeffrey Castelli, qui espérait profiter de l'histoire de la "capture d'un terroriste" pour monter en grade.

Omar a été enlevé en février 2003. Il a été jeté dans une voiture, puis transporté à la base militaire d'Aviano où était déployée une unité de l'armée de l'air américaine. Après cela il a été extradé en Egypte, en passant par la base allemande de Ramstein, où il a été transmis au renseignement local. Selon l'islamiste, il a été interrogé et torturé avec de l'électricité.

En 2004 Omar a été relâché, puis à nouveau interpellé. Il est resté en détention jusqu'en 2007 avant d'être relâché, mais sans avoir le droit de quitter l'Egypte.

L'enquête

L'enquête sur l'enlèvement d'Omar a été ouverte en Italie en 2003. Il s'est avéré que des agents américains et italiens étaient impliqués dans l'opération.

Comme l'ont indiqué les sources de Washington, l'opération était menée de manière négligée. Selon l'ex-agent de la CIA Bob Baer, ses collègues utilisaient imprudemment leur téléphone et leur courriel (les enregistrements de leurs conversations obtenus par les autorités italiennes constituent l'une des principales preuves dans l'affaire).

En 2009, l'affaire est allée jusqu'au tribunal. Plus de 20 membres de l'opération, des Américains et plusieurs Italiens, ont été reconnus coupables. Ils ont écopé de différentes peines et ont été condamnés à verser à Omar une indemnisation de 1 million d'euros. Les Américains, dont Sabrina de Sousa, ont été condamnés par contumace.

Omar, dont la justice italienne a pris la défense (la violation de ses droits a été également reconnue par la Cour des droits de l'homme), a lui aussi a été condamné. Mais par contumace, tout comme ses ravisseurs. En 2013, il a été condamné à 6 ans d'emprisonnement pour terrorisme. La condamnation n'a pas été mise en application étant donné qu'il réside en Egypte.

Les conséquences

La CIA n'a pas reconnu son implication dans le kidnapping. Néanmoins, il est proscrit aux agents dont les noms ont été mentionnés par la partie italienne de quitter le sol américain – compte risque d'être arrêté à l'étranger pour être remis aux autorités italiennes.

De Sousa a démissionné de la CIA en 2009, puis elle a séjourné un certain temps en Europe où vivent ses proches. Fin 2015, elle a été arrêtée à l'aéroport de Lisbonne (sur mandat européen), ses documents ont été saisis, puis la justice a ordonné sa remise aux autorités italiennes (l'appel sur cette décision a été récemment rejeté).

En 2009 déjà, De Sousa a déclaré qu'elle se sentait "abandonnée et trahie" par les autorités américaines. Selon elle, l'enlèvement d'Omar – notoirement illégitime – était une erreur. L'ex-employée de la CIA décriait le fait que ses initiateurs n'aient encouru aucune responsabilité.

Elle en a accusé, entre autres, Hillary Clinton. En 2009, quand la sentence a été prononcée, cette dernière était à la tête du Département d'Etat. D'après De Sousa, Clinton devait confirmer son immunité diplomatique, ce qui l'aurait déchargée des poursuites en Italie (plusieurs Américains figurant dans l'affaire ont été disculpés grâce à l'immunité diplomatique, dont Jeffrey Castelli).

En 2012, l'ex-employée de la CIA s'est adressée à Clinton par l'intermédiaire de son avocat. Sa lettre adressée à la future candidate à la présidentielle stipulait que De Sousa était "de facto abandonnée par le gouvernement auquel elle avait loyalement servi". Que conformément aux normes internationales, le gouvernement devait au moins vérifier les déclarations d'Omar concernant la torture dont il aurait fait l'objet. Et que l'affaire de De Sousa pourrait devenir un mauvais exemple pour les fonctionnaires américains à l'étranger. "Quand tu comprends que tu ne bénéficies pas de la défense dont tu as besoin et que tu mérites – c'est un peu effrayant", dit-elle.

L’adresse est restée lettre morte. Le porte-parole de la campagne électorale de Clinton contacté par les journalistes s'est refusé à tout commentaire.


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