L’affrontement Clinton-Sanders tourne à l’affrontement idéologique

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La campagne des primaires républicaines fait la une des journaux grâce à Trump, mais une autre primaire se déroule en ce moment.Et celle-ci a donné lieu à un débat sur les relations commerciales américaines, avec deux antagonistes.

Bien que moins virulents que leurs comparses du parti de l'éléphant, les deux candidats démocrates Hilary Clinton et Bernie Sanders se sont affrontés, ce Dimanche 6 Mars. Les thèmes abordés portaient essentiellement autour de l'économie, du commerce, et du libre-échange commercial américain: traités de libre-échange nord-américain (NAFTA), transpacifique (TPP), et transatlantique (TAFTA).

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Comble de l'ironie, ce débat s'est déroulé dans la ville de Flint, au Michigan; une ville, qui abritait les usines General Motors, ainsi que les ouvriers qui y travaillaient; durement touchée par la désindustrialisation, les délocalisations et le chômage (plus de 9%), elle est le symbole de l'Amérique post-industrielle paupérisée, une population (et donc un électorat) peu enclin à suivre les rhétoriques néo-libérales ou les arguments de Wall Street. Une ville aussi immortalisée par Michael Moore dans son documentaire « Roger et moi ». « Last but not least », les eaux de la ville ont récemment été contaminées au plomb.

Mme Anne Deysine, Spécialiste des questions politiques et juridiques aux États-Unis, professeure à l'Université Paris X-Nanterre, et auteure du livre «La Cour suprême des Etats-Unis » (éd. Dalloz), nous explique ce qu'il est ressorti de ce débat, et sur quelle positions campaient les candidats.

«Tous les deux sont démocrates et tous deux sont pour un rôle de l'Etat et du gouvernement fédéral; là où ils s'opposent c'est sur les accords de libre-échange, que Bernie Sanders critique très vertement. Hilary Clinton avait négocié le Traité Pacifique, elle a changé par la suite sa position, mais c'est difficile pour elle. Ils s'opposent enfin sur le rôle des grandes entreprises: le « big business » et le « corporate America », qui sont pour Sanders le principal problème. (…) En effet, ces grandes entreprises contrôlent le processus démocratique grâce à leurs contributions électorales, et Sanders l'a rappelé en évoquant la contamination au plomb des eaux de Flint.

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Les deux candidats étaient d'accord sur le fait que cette contamination était connue des services publics, et ont réclamé la démission du gouverneur du Michigan. (…) Sanders a attaqué Clinton (sans toutefois mentionner l'enquête de Bengazi, ni celle du serveur privé) sur ses liens avec Wall Street, en ajoutant que quand il s'agit de sauver Wall Street il y a toujours de l'argent et que le contribuable de la classe moyenne paie; en revanche, quand il faut de l'argent pour assainir le système d'eau, il y a bien sûr un problème »

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« Le contexte politique est différent. Les inégalités aux Etats-Unis sont perçues comme de la responsabilité de l'individu. Que cela soit chez les Démocrates, ou chez les Républicains, le « rêve américain » prévaut. Bernie Sanders se décrit comme un social-démocrate, et ressemble beaucoup à un européen, alors que Hilary Clinton est plutôt une néo-libérale, qui n'est pas prête à réformer le système, comme voudrait le faire Sanders. »

Bien que Mme Clinton mène la danse dans les primaires démocrates (la Louisiane lui est acquise avec 35 délégués, les plus récents sondages du Michigan la donne gagnante aussi), elle doit prendre garde à l'aile gauche du parti. Et c'est en effet sur les positions économiques propres à une gauche anti-trust que Sanders a attaqué Clinton: « Votre histoire consiste à voter pour tout amendement commercial désastreux, et pour l'Amérique corporatiste ».

Tout d'abord, il s'oppose, contrairement à l'ensemble des sénateurs démocrates, à une banque d'import-export: une telle banque ne servirait qu'à amener du liquide, selon lui, aux multinationales, « comme Boeing ». Clinton rétorque que son refus de soutenir cette banque met en danger le financement du commerce extérieur, que cela soit des grandes entreprises ou des petites entreprises.

De façon plus générale, c'est sur les relations qu'entretiendrait Mme Clinton avec les grandes sociétés et la haute finance que M. Sanders s'est le plus étalé, en remontant aussi loin que son implication dans les réformes sociales des années 90, l'abolition du « Glass-Steagall Act ».

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Clinton, qui mise sur les investissements permettant d'empêcher les délocalisations, reproche à Sanders de bloquer cette possibilité offerte aux entreprises (notamment les PME), et d'empêcher le secteur automobile américain d'être à nouveau compétitif. En effet, l'ancien président Bush avait, avec l'aval du Congrès, apporté 23,4 Milliards de Dollars pour cette industrie, grâce aux liquidations du secteur bancaire. Clinton avait soutenu cette initiative, que Sanders dénonce comme fallacieuse et qui aurait en fait spolié l'état pour le compte de sociétés.

Enfin, les TPP aurait été pour Clinton en 2012 comme l'étalon-or des échanges entre la côte Ouest (du Canada jusqu'au Chili) et les pays d'Asie-Pacifique, et son mari fut l'artisan du NAFTA. Pour Sanders, et l'aile gauche, le nom Clinton est clairement lié au libre-échange, responsable des délocalisations (dont les villes comme Flint souffrent).

Mme Deysine nous décrit comment l'électorat démocrate tranchera entre Clinton et Sanders.

« L'électorat est extrêmement segmenté et va continuer à voter comme il l'a fait jusqu'ici, c'est-à-dire dans les Etats du Sud pour Clinton, les Afro-américains et les Hispaniques aussi, Sanders récupère le vote des femmes (jusqu'à 60 ans) et des jeunes. C'est Clinton qui obtiendra la nomination, car les super-délégués sont majoritairement pour Clinton. »

Si Trump domine le camp opposé, et que ni Sanders ni Clinton ne craignent d'affronter, on peut se demander si les votes anti-Trump des Républicains se reporteront sur le candidat démocrate.

« C'est improbable. Les problèmes au sein du camp républicain n'ont toujours pas été réglés. Les critiques faites par Mitt Romney contre Trump n'ont servi à rien, et il n'avait proposé aucune solution de rechange. Marco Rubio est déterminé à rester dans la course jusqu'aux primaires de Floride, et Kasich a obtenu le soutien de Schwarzenegger et des centristes. Il faut donc une réorganisation des forces au sein du Parti républicain, et si Trump n'a pas la majorité, il y aura de gros problèmes à la convention républicaine. Trump mène, mais son avance est réduite et il est encore loin des 1237 délégués nécessaires pour obtenir l'investiture. »

En bref, les deux parties se sont échangées ce que l'on peut appeler leurs vues idéologiques, tout en s'affrontant sur le plan personnel.. Derrière ces différences, l'un d'eux devra mettre de l'eau dans son vin, une fois qu'il (ou elle) sera élu(e).

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

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