L'Egypte divise le monde islamique

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Le conflit opposant l'armée et les islamistes en Egypte a scindé le monde musulman en deux groupes belligérants, constate lundi 19 août le quotidien Kommersant.

Le conflit opposant l'armée et les islamistes en Egypte a scindé le monde musulman en deux groupes belligérants, constate lundi 19 août le quotidien Kommersant.

L'Arabie saoudite et ses partenaires du Golfe soutiennent les militaires qui ont renversé le président Mohamed Morsi et leur ont accordé une aide d'urgence de 12 milliards de dollars. Dans l'autre camp on retrouve les alliés proches de Morsi : le Qatar et la Turquie. Ces derniers considèrent son renversement comme un coup d'Etat et accusent l'armée d'avoir fusillé des manifestants pacifiques. Al-Qaïda et les talibans tiennent des propos similaires et estiment que le renversement de Morsi est un "crime contre l'islam".

Le roi saoudien Abdallah et le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan se sont notamment affrontés dans un duel verbal au sujet de l'Egypte. Lors d'un rassemblement de soutien aux islamistes égyptiens, Erdogan a comparé Abdel Fattah al-Sissi, ministre de la Défense saoudien, au président syrien Bachar al-Assad. "Les deux ont perdu conscience et tuent des gens dans les mosquées", a-t-il lancé. Le roi saoudien Abdallah a déclaré à son tour qu'il soutenait l'armée égyptienne dans sa lutte "contre le terrorisme" et exigé des pays étranger qu’ils arrêtent de s'ingérer dans les affaires intérieures de l'Egypte.

A première vue, il semble paradoxal que les wahhabites saoudiens se rangent du côté des militaires égyptiens, partisans du modèle laïc : ils sont bien plus proches idéologiquement de l’islamiste Mohamed Morsi. Mais les notions géopolitiques ont pris le dessus sur les motivations religieuses : les Frères musulmans égyptiens s'orientaient trop ouvertement vers le Qatar – un concurrent stratégique de l'Arabie saoudite qui prétend au leadership dans le monde arabe.

Si le régime de Morsi subsistait principalement grâce à l'argent qatari, les militaires qui lui ont succédé sont entretenus financièrement par les Saoudiens et leurs alliés du Golfe. L'Arabie saoudite, le Koweït et les Emirats arabes unis ont accordé aux nouvelles autorités égyptiennes 12 milliards de dollars. Et après les affrontements sanglants entre l'armée et les islamistes la semaine dernière, Ryad a envoyé au Caire trois hôpitaux militaires mobiles. Le Qatar, au contraire, continue de considérer Morsi comme le dirigeant légitime de l'Egypte et la chaîne qatarie Al-Jazeera couvre les événements avec une sympathie ouverte pour les Frères musulmans.

La position du premier ministre turc est tout aussi claire : Ankara et le Caire sont en guerre diplomatique. Les deux pays ont échangé des propos austères sans précédent, rappelé leurs ambassadeurs et annulé tous les exercices navals conjoints prévus pour octobre.

De leur côté, la Turquie et la Qatar ont trouvé un allié inattendu dans la question égyptienne : les talibans. Dans un communiqué au nom de l'Emirat islamique d'Afghanistan, les talibans ont exigé le retour au pouvoir de "l'élu légitime du peuple, Mohamed Morsi" et ont accusé les militaires d'avoir utilisé la force contre des manifestants pacifiques. Al-Qaïda a également exprimé son soutien à plusieurs reprises aux Frères musulmans égyptiens. Ses combattants ont rejoint les manifestants du Caire il y a trois semaines en promettant de partager leur expérience des opérations militaires.

Pour le chef d'Al-Qaïda Ayman al-Zawahiri, la lutte contre les nouvelles autorités égyptiennes est devenue une affaire familiale. Le week-end dernier son frère Mohamed al-Zawahiri, qui dirige le jihad islamique égyptien, a été arrêté. A l'époque de Hosni Moubarak, le plus jeune des frères Zawahiri avait passé 14 ans en prison, condamné pour complicité dans l'assassinat du président Anouar el Sadate en 1981. Après le renversement de Moubarak il s'était fait remarquer devant l'ambassade de France au Caire en organisant une manifestation contre l'opération antiterroriste de Paris au Mali.

Dans ce contexte, les déclarations des hommes politiques européens exigeant de libérer les islamistes arrêtés semblent très étranges. Aujourd'hui, les ministres des Affaires étrangères de l'UE doivent se réunir pour évoquer la situation. A l'issue de cette rencontre on saura à quel point les Européens sont déterminés et quelles mesures ils sont prêts à adopter contre les militaires qui violent les droits de Zawahiri et d'autres "représentants de la société civile égyptienne".

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