A propos d'Obama, sans préjugés

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La différence entre Romney et Obama réside précisément dans leur attitude envers les préjugés.

Je ne pense pas que s’il avait été président, Mitt Romney se serait lancé dans une aventure quelconque à l’international. Peut-être que oui, peut-être que non. L’important est ailleurs.

La différence entre Romney et Obama réside précisément dans leur attitude envers les préjugés.

On ne peut pas dire que l'orientation de la politique étrangère de Barack Obama soit prorusse.

Et si Romney avait gagné l’élection présidentielle américaine, aucune catastrophe ne se serait produite pour Moscou. Le matin du triomphe électoral d'Obama, j’ai tout de même éprouvé un sentiment de joie et de soulagement.

Notre vie politique comporte déjà suffisamment de choses folles et dépourvues de toute logique. La victoire d'Obama laisse justement espérer que Moscou et Washington ne se chamailleront pas pour des constructions idéologiques obsolètes et tirées par les cheveux, mais à cause de leurs propres intérêts nationaux.

A une époque, la Russie était l'épicentre de la politique étrangère américaine. Aujourd'hui, si elle est restée à cette position, c'est seulement dans les discours de Mitt Romney.

Des discours dont la sincérité soulève bien des doutes. A cinq jours de l'élection présidentielle, le New York Times a publié un article au titre intrigant: "Romney voyage en Russie, mais de manière purement amicale".

Voici la fable qu'on nous propose : Matt Romney, le fils du candidat républicain âgé de 41 ans, est parti à l'étranger afin de trouver des investisseurs pour sa société immobilière en Californie. Mais pas simplement à l'étranger: dans le pays qualifié par son père "d'ennemi géopolitique numéro 1 des USA".

Et, entre ses recherches d'investisseurs, Romney-fils a transmis par un "messager de Poutine" un mot informel adressé aux autorités russes: "En dépit de la rhétorique développée pendant la campagne électorale, si mon père devenait président, il voudrait rester en bons termes avec vous".

Tirer des conclusions politiques approfondies à partir d'un message informel du "fils-investisseur" n’est pas une bonne idée. Mais j'ai immédiatement pensé qu’il ne s’agissait pas de son initiative personnelle.

A quelques jours de l'élection, j'ai rencontré à Moscou un ancien collaborateur haut placé du candidat républicain. Le commerce actuel de mon interlocuteur dépend justement des bonnes relations entre la Russie et les Etats-Unis.

Suite aux résultats de la présidentielle américaine, il a fait preuve d'un flegmatisme surprenant, voire d'indifférence: "Mais qu'est-ce qui pourrait réellement changer en cas de victoire de Romney ? En termes de politique étrangère, les Etats-Unis ont une marge de manœuvre très étroite. Nos ressources ne sont plus ce qu'elles étaient et le nombre de points de convergence des intérêts américains et russes est encore plus faible, aussi bien dans le sens positif que négatif".

Cette appréciation n'est pas un subterfuge. La Chine et l'Iran sont les principaux problèmes de l’Amérique aujourd’hui, aussi bien aux yeux des démocrates que des républicains. Et la Russie comme problème majeur appartient au passé. Elle n’est plus qu’un pays qu'il est possible d'utiliser dans la rhétorique destinée aux concitoyens dont la jeunesse a coïncidé avec la Guerre froide.

Mais faut-il sous-estimer l'importance de la rhétorique dans la politique? Jamais, au grand jamais. Paroles et pensées sont matérielles. Seulement dans leurs mémoires les hommes politiques prennent des décisions en fonction de la nécessité vitale et de leur marge de manœuvre. Dans la vie réelle, des préjugés se cachent bien souvent sous le masque de cette "marge de manœuvre".

Par exemple, quand le président américain Lyndon Johnson a pris la décision de participer à la guerre du Vietnam, il était conscient d'étouffer l'âme de sa présidence, selon ses biographes. Sous le slogan de construction de la "grande société", Johnson rêvait de marquer l'histoire en tant que grand réformateur social. La question vietnamienne a mis le président face à un choix: soit la guerre, soit la "grande société". Johnson était corps et âme en faveur de la grande société.

Mais la raison du président était, elle, sous l'emprise d’un concept de politique étrangère à la mode – la théorie des dominos.

Voici le sens de cette théorie : en laissant une seule pièce du domino – un pays d’Asie du Sud-Est – devenir communiste, il serait suivi par tous les autres Etats de la région. Guidé par ce concept géopolitique, Johnson a envoyé au Vietnam un puissant contingent militaire.

Mais sa théorie des dominos n’était qu’un préjugé. Le président a perdu la guerre et a enterré son rêve de "grande société".

Je ne pense pas que s’il avait été président, Mitt Romney se serait lancé dans une aventure quelconque à l’international. Peut-être que oui, peut-être que non. L’important est ailleurs.

La différence entre Romney et Obama réside précisément dans leur attitude envers les préjugés.

Obama est un homme pragmatique, de sang-froid, tourné vers l'avenir et pas vers le passé. Romney est un homme politique dont les préjugés sont flous. Après tout, on ne peut pas s'introduire dans la tête d'une personne - qui plus est d'un homme politique. On ne pourra jamais découvrir à quel point un homme politique croit en sa propre rhétorique.

Une chose est pourtant sûre: plus les préjugés sont nombreux à Washington, plus ils le sont aussi à Moscou. Même pendant le premier mandat d'Obama, il existait les préjugés les plus fous dans le cercle politique russe sur la politique américaine.

Des gens sérieux à première vue sont par exemple convaincus que le printemps arabe est le résultat d'un complot américain, sachant qu'une analyse objective et impartiale de la situation au Moyen-Orient met en évidence que les Américains font tout pour utiliser le printemps arabe dans leur intérêt. Mais les causes profondes des troubles dans la région sont purement internes.

Ces mêmes personnes croient dur comme fer que le mouvement d'opposition en Russie résulte également d'une perfide conspiration américaine. Bien qu'en réalité, toutes les causes des perturbations politiques russes proviennent de l'intérieur du pays.

J'ai peur d'imaginer à quel point le nombre de préjugés anti-américains à Moscou aurait augmenté si la victoire avait été remportée par Romney et ses propos sur "l'ennemi géopolitique numéro 1".

En résumé, le second mandat d'Obama ne fait pas de la Russie et des Etats-Unis de bons amis. Là où les intérêts des deux pays ne coïncident pas tout à fait ou pas du tout – en Asie centrale, dans le Caucase ou concernant la mise en place du bouclier antimissile (ABM) en Europe -, la confrontation sera tout aussi rigide qu'auparavant.

Mais il y a des chances que cette confrontation ne soit pas basée sur des préjugés. Cela ne serait déjà pas si mal pour des sparring-partners aguerris tels que les Etats-Unis et la Russie.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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