Un ancien terroriste propose la paix au monde

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Pour le 11ème anniversaire du 11 septembre, Mohamed al-Zawahiri, le frère cadet du chef d'Al-Qaïda Ayman al-Zawahiri, s'est adressé à l'Occident et lui propose la paix. Dans une interview accordée à CNN, il a fait savoir qu’il pourrait jouer le rôle de médiateur entre les islamistes et les pays occidentaux.

Pour le 11ème anniversaire du 11 septembre, Mohamed al-Zawahiri, le frère cadet du chef d'Al-Qaïda Ayman al-Zawahiri, s'est adressé à l'Occident et lui propose la paix. Dans une interview accordée à CNN, il a fait savoir qu’il pourrait jouer le rôle de médiateur entre les islamistes et les pays occidentaux.

Il a également déclaré que les principaux points de son plan de paix décennal étaient la non ingérence des Etats-Unis et de l'Occident dans les affaires des Etats islamiques, l'expansion de l'éducation islamique et la libération de tous les prisonniers accusés d'avoir des liens avec des islamistes, aujourd’hui incarcérés dans les prisons américaines.

A leur tour, en conformité avec ce plan, les organisations islamistes devront cesser les attaques contre les Etats-Unis et l'Occident, protéger les "intérêts légitimes des Etats-Unis et des pays occidentaux dans les pays musulmans" et, enfin, "cesser de provoquer l'Occident et les USA".

Mohamed al-Zawahiri pense avoir suffisamment d'influence sur son frère afin que ce dernier l'écoute. Toutefois, il a reconnu qu'ils ne s'étaient pas parlé depuis dix ans.

Gloire de terroriste

Les experts ne veulent pas surestimer l'importance de cette initiative pacifique.

Vladimir Sotnikov, du Centre de sécurité internationale à l'Institut d'économie mondiale et des relations internationales (IMEMO), doute que le frère du leader d'Al-Qaïda ait suffisamment d'influence sur les dirigeants de l’organisation pour enclencher ce plan.

Alexandre Choumiline, directeur du Centre d'analyse des conflits proche-orientaux à l'Institut des Etats-Unis et du Canada, estime pour sa part qu'Al-Qaïda est trop divisée, à l'heure actuelle, pour mener une action globale au sein de l’organisation. Certaines de ses cellules, dispersées dans plusieurs pays, n'obéissent pas à toutes les décisions du leader de l'organisation.

Alexeï Malachenko, membre du conseil scientifique au centre Carnegie, ne pense pas non plus que des forces influentes se trouvent derrière la proposition de Mohamed al-Zawahiri. Selon lui, il s’agit d’une initiative individuelle. Toutefois, il ne considère pas ses propos comme une fantaisie abstraite : "Les deux parties se trouvent dans une impasse et, tôt ou tard, quelqu'un devait proposer cette idée à haute voix".

Mohamed al-Zawahiri ne fait plus partie des figures importantes du terrorisme islamique.

Sa seule gloire est d'avoir passé 14 ans dans des prisons égyptiennes pour extrémisme et complicité dans l'assassinat du dirigeant égyptien Anouar al-Sadate en 1981.

Mais le fait qu’il reconnaisse des relations distantes avec son frère correspond en tout point à la logique familiale islamiste, d'après laquelle il ne faut pas surestimer le statut fraternel de Mohamed. Par conséquent, il ne faudrait pas non plus surestimer sa déclaration de paix si elle n'était pas aussi délibérément associée au 11 septembre.

La paix selon Ben Laden

Ce n’est pas la première fois que le conflit entre l’Orient et l’Occident se trouve dans une impasse. En 2004, même Oussama Ben Laden avait fait des déclarations conciliantes et beaucoup d'experts n'y perçoivent pas pour autant une simple ruse politique.

Être en avant-poste d'une guerre permanente, que beaucoup sont enclins à considérer comme un conflit de civilisation, est peut-être honorable mais aussi extrêmement difficile et dangereux.

Le terrorisme mondial regroupe également des structures qui prennent rapidement leur indépendance et deviennent pratiquement incontrôlables. En fin de compte, le leader, qu’il s’appelle Ben Laden, al-Zawahiri ou Dokou Oumarov, ne devient plus qu'un symbole et par conséquent, l'otage de l’idée qui l'a autrefois propulsé au sommet.

Un an après l'échec de la trêve "à la Ben Laden", Londres a été frappée par un attentat.

Certains observateurs sceptiques, craignent la répétition d'un tel scénario aujourd'hui : effrayés par ces intentions pacifiques, les islamistes radicaux pourraient fournir un démenti aux déclarations de Mohamed al-Zawahiri sous la forme d’un attentat en Occident.

Par ailleurs, sans être trop optimiste en ce qui concerne la déclaration d'al-Zawahiri,

Alexeï Malachenko estime au contraire qu’elle vaut déjà "mieux que rien" : elle a au moins le mérite de rappeler à tous, y compris aux musulmans, qu'il existe a minima une alternative théorique à la guerre permanente.

"Bien sûr, c'est un conflit de civilisation. Mais il n'est pas condamné à perdurer sous la forme d'une guerre. En effet, il existe un conflit de traditions, de cultures et de visions. Certes, contrairement au monde occidental, le monde islamique est un facteur géopolitique conflictuel pour de nombreuses raisons. Il existe également un complexe d'infériorité puisqu’à certaines périodes de l’histoire, l'Occident a dépassé l'Orient. Les rancunes historiques et l'islam, en soi, n’arrangent donc pas toujours les relations entre les deux parties, analyse l’expert. Mais la guerre est une logique extrême et rend complètement subjective l'évolution de ce conflit".

Une nouvelle fête dans la rue arabe

D'une part, les affrontements les plus impressionnants ont lieu en territoire occidental mais ce constat est nuançable, selon Alexeï Malachenko.

Premièrement, les relations se dégradent également entre les pays musulmans, dont certains sont accusés de trahir l'islam en raison de leur volonté de coopérer avec l'Occident. De ce fait, ils sont exclus et pris pour cible. D'aprèsAlexeï Malachenko, le conflit est loin d’être purement intérieur. "Et après tout l'Afghanistan, la Libye et même l'Egypte sont la continuité du conflit entre l'islam et l'Occident".

Et si quelqu'un cherchait un homme pour incarner le symbole d'une éventuelle réconciliation, Mohamed al-Zawahiri serait probablement le meilleur candidat.

En effet, personne n'osera accuser d'apostasie ou de servilité un homme condamné pour l'assassinat de celui qui portait la marque de "traitre de la cause arabe". Et le thème de cette réconciliation hypothétique pourrait, en réalité, intéresser tout d’abord la rue arabe, qui acceptera facilement cette idée avec une joie similaire à celle éprouvée il y a 11 ans.

Elle pourrait également intéresser les hauts-fonctionnaires du terrorisme. Ici, il n'est pas seulement question de fatigue. En fin de compte, comme le montre la dernière expérience révolutionnaire dans les pays arabes, qui a mené à l'arrivée au pouvoir des islamistes, le terrorisme n'est pas le seul moyen d'auto-affirmation. L’accession au gouvernement pourrait s’avérer, pour eux, une alternative appropriée et surtout, plus tangible que les idées floues pour lesquelles il faut se battre cachés dans des grottes ou des maisons - tôt ou tard découvertes.

Toutefois, ces réflexions n’ont pas grand-chose à voir avec la déclaration d'un homme dont aucune décision ne dépend. Même s'il a exprimé l'opinion latente de la majorité, qui ne décide rien non plus.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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