La stratégie de l’opposition contre la domination de Russie Unie

© RIA Novosti . Andrei Stenin / Accéder à la base multimédiaManifestation à Moscou
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Dans le contexte des manifestations contre les infractions commises au cours des législatives du 4 décembre qui se poursuivent, les partis politiques russes adoptent un comportement relativement conservateur. La classe moyenne, qui a du mal à trouver dans la palette politique étriquée un parti capable de défendre ses intérêts au parlement, commence à faire entendre sa voix dans la rue.

Dans le contexte des manifestations contre les infractions commises au cours des législatives du 4 décembre qui se poursuivent, les partis politiques russes adoptent un comportement relativement conservateur. La classe moyenne, qui a du mal à trouver dans la palette politique étriquée un parti capable de défendre ses intérêts au parlement, commence à faire entendre sa voix.

Merci à tous, tout le monde est content

"Parmi les manifestants on ne trouve pratiquement aucun représentant de l’opposition systémique. Le leader du parti Iabloko, Sergueï Mitrokhine, est une exception. On voit quelques figurants du parti Russie Juste. Mais pour l’instant il existe un mur de séparation entre l’opposition systémique et non systémique, et il ne sera très probablement pas franchi", fait remarquer Mikhaïl Remizov, président de la fondation Stratégie-2020, en évoquant la particularité des manifestations actuelles.

Les principaux partis parlementaires ne sont pas enclins à accomplir des gestes brusques. Dans la nuit du 5 décembre les communistes ont traditionnellement donné une évaluation négative des législatives et de manière tout aussi traditionnelle ont annoncé qu’ils prépareraient un dossier de plainte. L’action de protestation des communistes organisée lundi à Moscou a rassemblé, selon les observateurs, moins de 900 personnes.

"Le comportement des partis parlementaires est relativement standard: d’une part ils protestent contre les infractions. Ce sont principalement les communistes qui protestent", a déclaré à RIA Novosti Pavel Sviatenkov de l’institut de stratégie nationale. Mais sachant que le Parti communiste de Russie a renforcé sa position à la Douma (chambre basse du parlement russe), cette protestation porte un caractère plutôt fictif, selon l’expert.

Et à première vue, les autres partis systémiques se réjouissent des résultats annoncés. Par exemple, les cellules de Moscou de Russie Juste et du parti libéral-démocrate ont annoncé conjointement qu’elles étaient satisfaites des résultats.

"Les partis d’opposition entrés à la Douma ont renforcé leurs positions après les législatives: ils ont obtenu plus de voix par rapport aux dernières élections, même si le résultat rendu public est inférieur à la réalité", a déclaré à RIA Novosti Alexandre Konovalov, président de l’Institut d’évaluations stratégiques. Selon l’expert, c’est la raison de leur faible participation aux manifestations de rue.

Les élections régionales sont bien plus critiquées. Par exemple, Russie Juste ne reconnaît pas les résultats à Saint-Pétersbourg et dans la région d’Astrakhan. Les communistes formulent également beaucoup de griefs concernant le scrutin d'Astrakhan. Pour l’instant, les partis parlent prudemment de la constitution d’un dossier sur les infractions qui sera adressé au tribunal.

Tous les participants aux législatives qui ont obtenu des sièges au sein du nouveau parlement doivent s’exprimer en public sur la légitimité des élections, estime Iouri Chouvalov, secrétaire adjoint du présidium du conseil général du parti Russie Unie. "Il n’est pas sérieux de galvauder le thème de la légitimité. Nous devons l’empêcher. Il faut soulever cette question dès avant la première séance de la Douma. Je pense que cette question relève de la compétence du parlement", estime-t-il.

Un boycott de la Douma?
Certains partis non-parlementaires avancent des idées plus radicales. L’un des fondateurs du parti Iabloko, Grigori Iavlinski, a proposé aux partis parlementaires en désaccord avec les résultats officiels annoncés de quitter la Douma.

"Tous les partis qui estiment que les falsifications sont majeures, doivent renoncer à leurs mandats et forcer ainsi l’organisation de nouvelles législatives en tenant compte de ce qui s’est passé", a déclaré Grigori Iavlinski lors d’une conférence de presse mercredi. Selon lui, pour prendre une telle décision il n’est pas nécessaire de rassembler des manifestations et de se battre contre la police antiémeute.

"Vu que le parti Iabloko n’a obtenu aucun siège à la Douma, il n’a rien à perdre en cas de réalisation d'un tel scénario. Iavlinski peut tranquillement appeler à renoncer aux mandats parlementaires car son parti n’a obtenu aucun siège", déclare Pavel Sviatenkov en commentant les actions de Grigori Iavlinski.

A noter que lundi soir, le président de la Commission électorale centrale de Russie, Vladimir Tchourov, a proposé au leader du Parti communiste mécontent, Guennadi Ziouganov, d'agir comme l’a préconisé ensuite Iavlinski. Dans sa lettre adressée au Parti communiste, Vladimir Tchourov a demandé si les déclarations de Ziouganov concernant l’illégitimité absolue des législatives ne signifiaient pas que les députés communistes avaient l’intention de renoncer à leurs mandats.

Il s’est avéré que non. "Pourquoi devrions-nous renoncer à nos mandats? On les a gagnés, les électeurs ont voté pour nous, ils nous ont soutenus. On nous a volé 12-15%", a expliqué Guennadi Ziouganov à RIA Novosti.

"Les partis d’opposition parlementaire ont actuellement le choix: soit ils participent aux négociations sur la répartition des postes importants au parlement, soit ils exigent la révision des résultats des législatives en se retrouvant alors en dehors des comités et en recevant seulement les "restes" laissés par les autres participants aux négociations. Le choix fait par les partis paraît évident", a déclaré à RIA Novosti Alexeï Makarkine, premier vice-président du Centre des technologies politiques.

La révolte de la classe moyenne
Alors qui manifeste dans les rues? Beaucoup d’experts font remarquer que la Russie est confrontée à la première manifestation de mécontentement de la classe moyenne, le stabilisateur des relations sociales tant attendu par les politologues et les politiciens. L’instabilité de la situation socioéconomique en est la cause.

"En 2007, il y a avait un certain "culte du succès": les salaires augmentaient, de même que les prix des hydrocarbures, la classe moyenne était très patriote et optimiste. L’opposition qui parlait de l’emprise de la corruption, de la violation des droits de l’homme, etc. était considérée comme un "ramassis" de perdants qui ne méritaient pas qu’on leur accorde une quelconque attention", fait remarquer Alexeï Makarkine.

Selon l’expert, la situation a changé. Même ceux qui ont conservé leur niveau d'aisance matérielle antérieur n'en ressentent pas la croissance et ne voient pas de garanties d’un avenir stable. Or, la particularité de la classe moyenne est qu’elle a besoin d’un avenir prévisible.

Le système du gouvernement actuel a été longtemps perçu comme efficace mais injuste. La population était consciente du fait que la corruption était élevée, que les fonctionnaires s’enrichissaient sur son dos, que les disproportions sociales étaient immenses, mais ils voyaient des perspectives: leur niveau de vie augmentait", déclare Valeri Soloveï de l’Institut des relations internationales de Moscou.

"Le pessimisme est dû au sentiment d’une possible stagnation dans les douze prochaines années, mais également par la prise de conscience de l’inéluctabilité de la seconde vague de la crise. Et contrairement à l’électorat de Russie Unie, la classe moyenne ne fait pas confiance au gouvernement", estime Alexeï Makarkine.

"Le gouvernement espérait que les "cols blancs" ne sortiraient pas dans la rue, comme cela a toujours été le cas, mais que les protestataires seraient les opposants marginaux, qui manifestent généralement en petits groupes", déclare Alexandre Konovalov. Mais aujourd’hui, selon lui, ceux qui n’avaient jamais manifesté et ont quelque chose à perdre sont descendus dans la rue.

"La classe moyenne, qui a senti sa force en surmontant la première vague de la crise, en a assez de la propagande. Elle a cessé de regarder les chaînes TV fédérales et a commencé à exiger une politique plus active pour régler des tâches concrètes", estime Alexeï Makarkine.

Le mouvement de la rue
La faible présence des partis dans les manifestations après les législatives a déjà suscité beaucoup de questions: à quoi avons-nous affaire? Quelle est la structure politique de la protestation de rue?

Selon Valeri Soloveï, les partis parlementaires surveillent attentivement la dynamique des protestations de l’opposition non-systémique. "En cas d’évolution positive de la situation pour l’opposition non-systémique ils sont prêts à la rejoindre", estime l’expert.

"La protestation acquiert déjà un cadre idéologique. Ce mouvement revêt un caractère nationaliste d’une part, et démocratique de l’autre", estime Pavel Sviatenkov. Selon lui, la protestation observée ne peut pas être attribuée à l’activité politique bien connue des libéraux non-systémiques. "Les protestations sont alimentées par le phénomène Navalny (un blogueur-activiste de l’opposition) et le mécontentement général face aux résultats de la campagne électorale avec l’utilisation de la ressource administrative", estime Pavel Sviatenkov.

"Je serai prudent en disant qu’actuellement l’avantage ira à celui qui contrôlera la rue, avertit Valeri Soloveï. La rue sera très probablement contrôlée par les nationalistes."

"A l’heure actuelle, tout le monde est concerné. Beaucoup de manifestations antérieures étaient relativement locales, mais beaucoup de gens se sont unis aujourd’hui. Après tout, nous sommes tous des électeurs", a déclaré à RIA Novosti David Konstantinovski, chef du Centre de sociologie de l’enseignement, de la recherche et de la culture de l’Institut de sociologie de l’Académie des sciences de Russie. Selon lui, il existe actuellement une raison évidente pour exprimer son appartenance à ce groupe.

"Probablement la population n’a plus peur, et c’est déjà un phénomène intéressant. L’important ce n’est pas ce qui se passe dans la rue, mais ce qui se passe dans la conscience des gens. Ils ont probablement franchi une certaine barrière psychologique. Les gens en ont assez de la situation actuelle", a déclaré à RIA Novosti Mikhaïl Kondratiev, doyen de la faculté de psychologie sociale de l'Institut de psychologie et de pédagogie de Moscou.



L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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