Le dialogue entre la Serbie et le Kosovo: la fin du mensonge

© RIA Novosti . Natalia Grebenyuk Kosovo, Pristina
Kosovo, Pristina - Sputnik Afrique
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Les pourparlers directs entre la Serbie et le Kosovo qui ont commencé le 8 mars à Bruxelles, mettent fin à de longues années de mensonges et de manipulations ayant trait au conflit interethnique entre les Serbes et les Albanais.

Les pourparlers directs entre la Serbie et le Kosovo qui ont commencé le 8 mars à Bruxelles, mettent fin à de longues années de mensonges et de manipulations ayant trait au conflit interethnique entre les Serbes et les Albanais. La majeure partie de ces manipulations se tramait à Washington et aussi à Bruxelles par des personnes qui croyaient s’y connaître en problèmes de la région mieux que les Serbes et les Albanais eux-mêmes. Certaines autres capitales n’étaient pas en reste non plus. Toutefois le dialogue devait inévitablement commencer tôt ou tard, ne serait-ce que parce que les Serbes et les Albanais sont condamnés à coexister dans la région, quelle que soit leur attitude les uns envers les autres.

Les pourparlers sont pour le moment dans leur phase initiale. L’Union Européenne (EU), initiatrice du dialogue, a annoncé à l’avance que le statut du Kosovo ne serait pas évoqué. Il s’agira de résoudre des "problèmes techniques" qui concernent les personnes portées disparues ainsi que leurs familles, les télécommunications et l’approvisionnement en électricité. Ce qui est très important c’est que les deux parties aient enfin mis de côté les considérations générales et soient passées à la vie des personnes précises.

L’histoire de l'indépendance du Kosovo par rapport à la Serbie, proclamée unilatéralement par Pristina le 17 février 2008, contient des mensonges émanant de pratiquement tous les participants à ce drame. Les combattants de l’Armée de libération du Kosovo (UCK) mentaient en déclarant avoir pris les armes contre leur gré, uniquement pour se défendre. Slobodan Milošević n’a pas cessé de mentir depuis son fameux discours de 1989 sur le site de Kosovo Polje (lieu de la bataille du même nom au cours de laquelle l'armée serbe du prince Lazar a été massacrée par les Turcs en 1389) en affirmant qu’il aspirait à l’établissement d’une "région multiculturelle" sur les lieux de cette bataille médiévale. L’OTAN et la kyrielle des capitales occidentales, de Washington à Varsovie, mentaient en prétendant en 1999 qu’ils aspiraient à la paix. En réalité, tous les observateurs ayant suivi les pourparlers de "paix", qui se sont déroulé en 1999 à Rambouillet à la veille de la guerre, déclare à l’unanimité que l’Occident cherchait la guerre et qu’il l’a déclenchée au moment le plus opportun, après avoir concentré, suite à une opération logistique de plusieurs mois, aux frontières du Kosovo des troupes dotées de matériels du XXIe siècle qui ne laissaient à l’ennemi aucune chance de résister dignement.

Tout cela ne disculpe ni Milošević, ni les "miliciens serbes" qui avaient cédé aux provocations de l’Armée de libération du Kosovo et qui, par leurs représailles exercées contre la population albanaise, ont fourni à l’OTAN un prétexte idéal pour mettre en branle sa machine de guerre. Toutefois, aux cours de ces mois, Washington, Bruxelles, Londres, Paris et Berlin ont créé un précédent dangereux: au lieu de jouer son rôle traditionnel de pacificateur, l’Occident a initié une guerre. Ce fait était particulièrement souligné par Alexandre Soljenitsyne dont les médias occidentaux cherchaient par tous les moyens à occulter les protestations contre la guerre en Yougoslavie.

Soljenitsyne a également critiqué à cette période le rôle de Eltsine dans la résolution de la "question balkanique". En fait, dans les années 1990, la Russie et la Serbie ont répété en miniature tous les mensonges et toutes les déceptions que les deux pays avaient mutuellement échangés au cours du XXe siècle. Rappelons qu’en s’engageant dans la Première guerre mondiale sous prétexte de défendre les Serbes, la Russie, après l’avènement des Bolcheviks, a été rapidement désappointée par les "frères serbes" qui ne s’étaient pas motivés par la Révolution mondiale. D’ailleurs, entre les deux guerres, les Serbes n’avaient pas l’air de souffrir de l’absence de relations diplomatiques avec l’ancien "grand frère" de l’Est et ne s’empressaient pas vraiment d'offrir des emplois et des logements aux frères orthodoxes ayant fui la Russie après la Révolution de 1917.

Tout a changé en 1941 lorsque la Yougoslavie, rapidement suivie par la Russie, a été agressée par l’Allemagne hitlérienne. L’amitié entre les deux pays a duré jusqu’en 1948, date à laquelle Staline s’est brouillé avec son "meilleur disciple en Europe de l’Est", le maréchal Tito. Une fois de plus, il s’est avéré que les Serbes étaient suffisamment forts pour défier Moscou dans leur péninsule Balkanique. Et Moscou, quant à lui, montre qu’il n’a pas l’intention de changer ses plans et ses priorités pour tenir compte des intérêts des Serbes. En dépit de l’arrangement auquel Khrouchtchev et Tito étaient parvenus en 1955, cette vieille bombe a encore souvent explosé en dynamitant l’"unité slave" et en transformant les plans ambitieux russo-serbes en une grande déception. L’histoire s’est notamment répétée à la fin des années 1990, sous Boris Eltsine. Ainsi la Russie avait promis à Belgrade son soutien à la veille de l’invasion de la Yougoslavie par l’OTAN, or ce soutien s’est traduit par l’envoi d’un seul misérable navire scientifique en mer Adriatique. La Russie avait également insisté sur le déploiement de son contingent de maintien de paix au Kosovo malgré les protestations de l’Occident. Or, elle a fini par retirer ce contingent du Kosovo de son plein gré en raison de son coût élevé.

Après l’avènement de Vladimir Poutine, la politique russe à l’égard de la Serbie a pris la seule forme raisonnable en devenant bienveillante et pragmatique. La Russie croit toujours en l’unité slave mais estime que celle-ci doit être étayée par des projets économiques précis, à savoir par la construction du gazoduc South Stream et par la présence des entreprises russes dans le secteur serbe de raffinage de pétrole. La Russie, ainsi que sept pays de l’Union Européenne, refuse de reconnaître l’indépendance du Kosovo mais elle n’a pas l’intention de déclencher pour autant la Troisième guerre mondiale, qui a failli éclater à cause de la présence de l’unité militaire russe à Pristina sur l’ordre du général américain Wesley Clark, un véritable fou furieux, adepte fanatique de la foi occidentale en l’imposition de la démocratie par la force.

Le 23 mars, le premier ministre russe Vladimir Poutine se rendra en Serbie. Le problème du Kosovo ne sera sûrement pas prioritaire lors de son entretien avec les dirigeants serbes. La Russie ne cherche plus depuis longtemps à donner des conseils ou à fournir une aide non sollicitée au gouvernement serbe. Moscou ne s’oppose nullement au désir de Belgrade d’adhérer à l’Union Européenne et ne donne plus de leçons aux Serbes au sujet du développement de leur économie. Les exemples irlandais et grec démontrent que la participation à l’Union Européenne n’est pas une façon de s’immuniser contre la faillite et que les pétrodollars ainsi que les autres avantages conférés par la coopération avec la Russie gardent toute leur attractivité pour la Serbie quelle que soit la voie de développement qu’elle choisit.

Le dialogue entre Belgrade et Pristina constitue un signal réconfortant à la veille de la visite de Vladimir Poutine en Serbie. Dans certains cas l’argent préfère non pas le silence précédant la tempête, mais un dialogue de bon aloi. Un compromis en matière kosovare ouvrirait la Serbie aux investissements et éliminerait une des menaces pour le projet russe South Stream.


Ce texte n’engage pas la responsabilité de RIA Novosti

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