Discussions de femmes: Les relations sont-elles devenues trop faciles ?

© Photo Mikhail Kharlamov/ Marie Claire RussiaSvetlana Koltchik
Svetlana Koltchik - Sputnik Afrique
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"A Moscou, tout va tellement vite, en particulier les relations amoureuses", s’est plaint à moi, lors d'un récent déjeuner, un important homme d’affaires français. Nous étions en train de comparer l’état des lieux de l'amour et des rencontres à Paris et à Moscou.

"A Moscou, tout va tellement vite, en particulier les relations amoureuses", s’est plaint à moi, lors d'un récent déjeuner, un important homme d’affaires français. Nous étions en train de comparer l’état des lieux de l'amour et des rencontres à Paris et à Moscou.

Et mon vis-à-vis ne distribuait pas de bons points à cette dernière. A Paris, insistait-il, les gens prennent plus leur temps, traitent les relations plus sérieusement et s'assurent d'avoir trouvé la bonne personne avant de s'engager. Et entretemps, observa mon ami, les parisiens des deux sexes n'ont en général pas de problème à être célibataires. "Alors qu'en Russie, la façon dont les gens se mettent en couple est plus précipitée et plus consumériste", dit-il.

Au début, j'étais vexée mais le mot consumériste est resté gravé dans mon esprit. Et, après réflexion, j'ai réalisé que mon ami français avait peut être raison. Le consumérisme marque l'esprit de notre époque et je ne me réfère pas uniquement au besoin compulsif d'acquérir des biens matériels. Dans le monde d'aujourd'hui, nous sommes ce que nous possédons et il n'y a pas grand-chose qui puisse changer cela, sauf à choisir la vie de couvent.

La pression sociale et biologique de s'engager sérieusement ayant pratiquement disparu, je pense que, nombre d'entre nous tendent également à consommer et accumuler les relations amoureuses. Nous testons celles-ci comme des voitures et nous accélérons négligemment, sachant très bien que nous ne sommes pas vraiment impliqués. Nous ne prenons pas le risque d'être entièrement responsables. Et même si nous le faisions, aujourd'hui il n'y plus d'obligation de se marier ou de rester marié. Entrée et sortie sont libres. Les relations sont devenues si faciles que c'en est effrayant.

Il semble aussi, qu'en cherchant M. Parfait, un nombre grandissant de femmes finissent par se contenter de bien moins. Elles optent pour M. Parfait-Pour-Le-Moment uniquement pour ne pas être seules.  L'une de mes amies, une spécialiste en relations publiques de 32 ans, est en relation avec un homme depuis plus d'un an. Ils vivent séparément, chacun dans son appartement dans différentes parties de la ville et ne se voient que les week-ends.

Mon amie, qui depuis longtemps rêve à une famille et des enfants, me dit qu'elle l'épouserait demain s'il lui posait la question. Pourtant elle dit également ne pas vouloir lui mettre la pression pour ne pas l'effrayer. "Peut-être n'est-il pas encore prêt", dit-elle. "C'est si difficile de nos jours de trouver quelqu'un de spécial et il y a si peu de mecs bien. Du coup je suis prête à attendre". Je suis juste curieuse de savoir combien de temps elle compte attendre que cet homme veuille bien s'engager à plein-temps – le type est déjà dans sa quarantaine.

Révolus sont les jours où un homme devait faire une demande en mariage pour être avec une femme. Et ce n'est probablement pas un mal : joie et liberté étaient rares dans les mariages arrangés ou causés par des grossesses accidentelles. Maintenant nous pouvons essayer, choisir, découvrir ce que nous voulons vraiment et, finalement, être heureux. Sauf que je rencontre beaucoup de gens seuls ces jours-ci, même ceux dont le statut Facebook dit qu'ils sont dans une relation. Les psychologues sont d'accord avec moi : ils disent que nombreux sont ceux qui choisissent les "versions de démonstration" uniquement par insécurité ou de crainte de rester seuls.

Un autre de mes vieux amis, un journaliste télé de 33 ans, m'a récemment parlé d'une collègue qu'il aimait bien. Il lui a demandé de sortir avec lui à l'ancienne, un mercredi pour le vendredi. Et il le lui a demandé en personne, pas par Facebook ou par sms. Il avait déjà pensé à son restaurant favori auquel il voulait l'emmener. " Pourquoi ne va-t-on pas simplement chez toi ou chez moi pour coucher ensemble ?", répondit la fille. Horrifié, mon ami a abandonné l'idée complètement. " Dans ces conditions, cela n'avait aucun attrait pour moi ", dit-il. " Je voulais d'abord la connaître".

Je ne sais pas exactement ce qui a motivé la conduite de cette fille – s'il s'agissait d'un appétit sexuel vorace ou du fait que, tout simplement, elle n'était pas intéressée par mon ami sauf bizarrement pour coucher immédiatement avec lui. Quoi qu'il en soit, je pense qu'au fond d'elle-même, cette fille tout comme les autres consommateurs de relations rapides, recherchent l'amour et rêvent de trouver LA bonne personne. En réalité, aujourd'hui, nous recherchons l'amour plus que jamais dans l'histoire de l'humanité quand l'amour n'était pas un ingrédient du mariage et que les gens avaient de faibles attentes et un choix drastiquement réduit.

Peut être aussi est-il vrai que ma génération est un peu perdue sans entremetteuses de confiance autour de nous à l'exception des réseaux sociaux et de leur myriades de gens (seulement virtuellement) disponibles. Mais ne vous méprenez pas : je ne suis pas nostalgique d'un temps où les relations étaient arrangées et les mariages avaient lieu simplement parce que c'était le moment.  Mes parents se sont mariés deux mois après avoir fait connaissance. Ils disent être tombés amoureux. Peut être se sont-ils aussi rencontrés à un moment où tous les deux étaient prêts et qu'à l'époque les temps étaient différents. Je suppose qu'aujourd'hui nous avons besoin de plus de temps pour être prêts. Et les relations faciles ne nous aident pas beaucoup à grandir.

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* Svetlana Koltchik, 33 ans, est la rédactrice en chef adjointe de l'édition russe du magazine Marie Claire. Elle est diplômée de la faculté de journalisme de l'Université de Moscou et de l'Ecole de journalisme de l'Université de Columbia à New York. Elle a travaillé dans l'hebdomadaire russe Argumenty i Fakty à Moscou, le journal USA Today à Washington et a écrit pour RussiaProfile.org ainsi que pour les éditions russes de Vogue et de Forbes.

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