De l'eau sur Mars: un petit pas pour l'homme...

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Par Iouri Zaïtsev, expert de l'Institut d'études spatiales, pour RIA Novosti
Par Iouri Zaïtsev, expert de l'Institut d'études spatiales, pour RIA Novosti

Les chances de découvrir une forme de vie sur Mars ont encore augmenté, car de l'eau à l'état de glace a été découverte sous la surface de la Planète rouge.

Mais l'eau ne suffit pas. Mars peut-elle fournir les ressources nécessaires à une éventuelle installation de colonies humaines? Autrement dit, peut-elle être colonisée par les hommes? Est-il possible, en étudiant les particularités du climat martien, d'obtenir des informations sur les facteurs climatiques terrestres? Des processus géologiques analogues à ceux observés sur la Terre se sont-ils produits sur Mars? Pour obtenir des réponses à toutes ces questions, l'eau reste l'indice le plus important, plus précisément la compréhension du cycle de l'eau chez notre proche voisin du système solaire.

Les premières photos faites depuis l'orbite de Mars révélèrent la présence de ravins et de canyons qui pourraient résulter de l'écoulement d'immenses masses d'eau il y a plusieurs millions d'années. Les chercheurs supposèrent alors que le sous-sol de la Planète rouge pourrait receler d'immenses réserves de glace, voire de véritables mers. Cela a donné lieu à une nouvelle stratégie d'étude de Mars, mise au point il y a quelques années, qui prévoit que tous les projets scientifiques martiens doivent se fonder sur l'eau, plus précisément sur les questions relatives à sa présence éventuelle sur la planète. C'est pourquoi cette stratégie s'intitulait "Following the Water", c'est-à-dire "Suivre l'eau".

La spectroscopie gamma et neutronique est actuellement la méthode la plus efficace pour rechercher de l'eau sur Mars. Le fait est que cette planète possède une atmosphère très "fine" et qu'elle n'a pas de champ magnétique significatif, c'est pourquoi les rayons spatiaux atteignent librement sa surface et produisent des neutrons rapides jusqu'à une profondeur de 1 à 3 m. Les noyaux des éléments chimiques entrent en réaction avec eux et provoquent, à leur tour, l'émission de rayons gamma. Dans la mesure où chaque noyau a son propre spectre de rayonnement gamma, on peut établir la quantité relative de noyaux de tel ou tel élément dans le sol martien, y compris pour l'hydrogène qui est la principale composante de l'eau. Ainsi, d'après les types de rayonnements observés, on peut juger de la présence ou non de glace ou d'eau sur le lieu exploré.

Conformément à cette méthode, afin d'étudier la composition de la surface de Mars et de rechercher les éventuelles zones riches en glace, les chercheurs de l'Institut d'études spatiales de l'Académie russe des sciences ont créé, à la demande de Roskosmos (Agence spatiale russe), l'appareil HEND (High Energy Neutron Detector) qui fonctionne avec succès depuis plus de 7 ans, au milieu des autres appareillages de la sonde interplanétaire américaine Mars-Odyssey, actuellement en orbite autour de Mars. Comme il ressort des mesures effectuées par cette sonde, d'immenses réserves d'eau ont été découvertes directement sous la surface de la planète. En outre, les cycles de dépôts saisonniers d'acide carbonique à sa surface ont été évalués.

Fin mai dernier, une autre sonde américaine - Phoenix - à commencé sa mission sur Mars. Les premiers résultats recueillis ont confirmé les données collectées par le HEND depuis l'orbite de Mars. Phoenix a creusé à l'aide de son bras robotisé des sillons peu profonds et révélé une substance incolore ressemblant beaucoup à de l'eau gelée. Elle disparut après quelques jours, étant entrée en contact direct avec l'atmosphère martienne. La cause de ce phénomène est évidente: sous la latitude du point d'atterrissage de Phoenix, la glace doit se transformer directement en vapeur sans passer par la phase liquide.

Bien plus, l'analyse chimique des échantillons du sol martien, effectuée par le laboratoire installé à bord de la sonde, montre qu'ils contiennent tous les éléments nécessaires à l'apparition et au maintien d'une forme de vie.

En 2009, la NASA prévoit de faire parvenir sur Mars un grand marsokhod (robot motorisé) à longue durée de vie, MSL-2009 (Mars Science Laboratory), qui aura à son bord l'appareil russe Dynamic Albedo of Neutrons (DAN). Il se distingue fondamentalement du HEND: si ce dernier ne faisait "qu'écouter" en orbite autour de Mars, c'est-à-dire enregistrer les neutrons apparaissant de façon naturelle sur la couche superficielle de la planète sous l'action des rayons spatiaux, le marsokhod sera lui équipé d'une source de neutrons. C'est-à-dire qu'il émettra des neutrons qui pénétreront à une profondeur de 1,5 à 2 m sous la surface martienne. Ils y graviteront un certain temps puis regagneront la surface "peu à peu", en fait, au bout de quelques microsecondes. Le détecteur russe DAN les mesurera et déterminera ainsi la présence ou non d'eau sous la surface.

Le HEND a cherché de l'eau sur Mars à l'échelle globale, sur des milliers de kilomètres carrés, c'est pourquoi la définition de ses évaluations s'élevait à des centaines de kilomètres. Le DAN explorera des zones locales avec une définition d'à peu près un mètre. On peut affirmer que le détecteur enregistrera le flux de neutrons provenant directement des éléments se trouvant sous les roues du marsokhod. Ce travail devra être effectué en temps réel ou presque, car les connaissances emmagasinées chaque jour auront une importance fondamentale pour établir l'itinéraire du marsokhod pour le jour suivant. Si les mesures effectuées témoignent de la présence d'une région intéressante avec une forte concentration en eau et que les chercheurs n'en sont informés que sept à dix jours plus tard, il sera pratiquement impossible d'y revenir.

L'appareil DAN est entièrement russe, sa masse constitue environ 10% de la charge utile totale (50 kg) du marsokhod, ce qui fait de la Russie un participant à part entière du projet MSL-2009. L'expérience Dynamic Albedo of Neutrons étant considérée comme russo-américaine, les données enregistrées par les autres appareils du marsokhod seront également accessibles aux chercheurs russes.

"Lorsque le marsokhod se déplace sur la surface de la planète, il doit être dirigé par une équipe commune. Le principe propre aux appareils orbitaux selon lequel l'expérimentateur traite les résultats provenant de son appareil uniquement est dans ce cas inadmissible", affirme Igor Mitrofanov, responsable des projets HEND et DAN, chef de laboratoire à l'Institut d'études spatiales de l'Académie russe des sciences, et docteur en physique et en mathématiques.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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