Annapolis: avant même les débats, un avertissement en direction de l'Iran

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Par Narguiz Assadova, RIA Novosti (Washington)
Par Narguiz Assadova, RIA Novosti (Washington)

La conférence internationale sur le règlement du conflit au Proche-Orient qui se tient cette semaine à Annapolis (Maryland) marquera le début formel des négociations sur le statut définitif de la Palestine. Les participants à la rencontre ne s'attendent pas à ce qu'elle puisse effectuer de percées dans le règlement du conflit arabo-israélien. Mais la conférence d'Annapolis acquiert un sens supplémentaire dans le contexte de la confrontation qui s'aggrave entre l'Iran et les Etats-Unis.

"Cette initiative représente la tentative la plus sérieuse depuis de nombreuses années de mettre fin au conflit. Il est temps de créer un Etat palestinien": c'est ainsi que la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice a expliqué l'idée de la conférence. L'administration Bush s'est posé l'objectif ambitieux d'organiser les négociations de paix entre Israéliens et Palestiniens, non seulement en présence du Quartette pour le Proche-Orient (Etats-Unis, UE, Russie, ONU), mais aussi avec la participation des représentants de tous les Etats arabes, dont la plupart ne reconnaissent pas Israël.

Il faut dire qu'une tentative de ce genre avait déjà été faite en 2000 par l'administration Clinton et avait échoué à cause du refus de l'Arabie Saoudite, un des joueurs principaux de la région, de participer à la conférence. Cette fois, la probabilité que les Saoudiens ne se rendent pas aux négociations d'Annapolis était si grande que, quelques jours avant le sommet, son statut de "conférence" fut modifié en celui de "rencontre" et le temps réservé aux négociations fut réduit de trois à un jour.

Néanmoins, vendredi 23 novembre, la Ligue arabe a décidé, lors d'une rencontre au Caire, que tous les pays membres, y compris l'Arabie Saoudite, enverraient leurs délégations à Annapolis, après quoi la rencontre est redevenue une conférence de trois jours.

Le consentement de la Syrie de participer au sommet est une nouvelle avancée diplomatique substantielle de l'administration Bush. Grâce à cela, Condoleezza Rice a accepté de remplir la condition principale avancée par Damas en inscrivant à l'ordre du jour le problème des hauteurs du Golan occupées par Israël.

Ne pouvant cacher sa joie à l'occasion du succès remporté par son équipe, Mme Rice a même déclaré que les Etats-Unis tâcheraient de régler le conflit arabo-israélien avant la fin du mandat présidentiel de George W. Bush en janvier 2009.

Néanmoins, l'optimisme de la secrétaire d'Etat américaine n'est pas partagé par la majorité des experts aussi bien en Amérique qu'ailleurs. Même un enthousiaste du règlement pacifique au Proche-Orient comme le président israélien Shimon Peres ne dissimule pas son scepticisme: "Théoriquement, il est possible de parvenir à un accord avant la fin du mandat présidentiel de George W. Bush, mais il est impossible de le traduire dans les faits. Personne n'espère obtenir de résultats (à la rencontre d'Annapolis), elle marquera le début des négociations".

Bien que le président palestinien Mahmoud Abbas affirme qu'il préfère démissionner plutôt que de participer à une conférence stérile, on sait que les Israéliens et les Palestiniens n'ont pu s'entendre, à la veille du sommet d'Annapolis, sur la signature d'une déclaration d'intentions conjointe. Or, il était prévu que la signature d'un document commun sur les frontières du futur Etat palestinien, le statut de Jérusalem, le sort des colonies juives, ainsi que sur les droits des réfugiés palestiniens devait être le bilan de la conférence d'Annapolis. Cependant, les Israéliens ont immédiatement rejeté cette idée, en déclarant que des problèmes aussi sensibles ne devaient pas être abordés avec hâte. Les négociateurs israéliens ont proposé aux Palestiniens de reconnaître Israël en tant qu'Etat juif. "Nous refusons de reconnaître Israël en tant qu'Etat juif", a affirmé le négociateur palestinien Saeb Erekat, car les Palestiniens craignent que la reconnaissance du caractère juif de l'Etat d'Israël ne prive les réfugiés palestiniens du droit d'y revenir.

Les sceptiques vis-à-vis de l'initiative de paix des Etats-Unis ont un autre argument: aussi bien le premier ministre israélien Ehud Olmert que le président palestinien Mahmoud Abbas sont des leaders faibles, incapables de changer la situation radicalement. Ainsi, Ehud Olmert n'est pas en mesure de persuader la société israélienne, qui ne s'est pas encore remise du retrait unilatéral des troupes et des colonies de la bande de Gaza, ainsi que des conséquences de la campagne libanaise de 2006, de retirer également les colonies juives de Cisjordanie ou de cesser la construction du mur de sécurité séparant Israël et les territoires palestiniens. Mahmoud Abbas, qui contrôle à peine la Cisjordanie et qui ne jouit d'aucune influence à Gaza, ne peut pas satisfaire l'exigence principale des Israéliens de démanteler l'infrastructure de terreur sur les territoires palestiniens. D'ailleurs, peut-on créer un Etat palestinien, si une partie de son futur territoire - la bande de Gaza - est toujours contrôlée par le Hamas?

Rares sont également ceux qui pensent que les négociations entre Israël et la Syrie sur l'avenir des hauteurs du Golan puissent être fructueuses, bien que le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan ait essayé de persuader son homologue israélien Ehud Olmert et le président israélien Shimon Peres de ne pas s'obstiner et de reprendre les négociations de paix avec la Syrie sur le statut des hauteurs du Golan, en affirmant que, pour Israël, il serait bien plus facile de remporter un succès sur le dossier syrien que sur le dossier palestinien. Cependant, la réponse du premier ministre israélien ressemble plutôt à un refus diplomatique. "Nous avons toujours affirmé que nous étions intéressés à la participation de la Syrie", a précisé Ehud Olmert avant de partir pour les Etats-Unis, en soulignant qu'Israël préférait se concentrer sur le dossier palestinien.

D'ailleurs, il ne convient pas de considérer d'avance la conférence d'Annapolis comme insensée. Premièrement, par ce qu'elle marquera effectivement le début formel des négociations sur le statut définitif de l'Etat palestinien. Deuxièmement, et c'est probablement là l'essentiel, la rencontre d'Annapolis doit démontrer que les Etats-Unis, l'UE et les Etats arabes peuvent agir en commun en vue de régler les problèmes au Proche-Orient. L'administration Bush est certaine que les Etats-Unis ont le droit de compter sur le soutien des leaders arabes en raison du changement des conditions géopolitiques dans la région.

"Nous vivons dans un autre monde, pas celui de 1973, de 1983 ou même de 2000. Ce processus (de règlement du conflit arabo-israélien) s'inscrit dans le contexte d'un conflit plus global entre les forces radicales et les partisans de la modernisation du Proche-Orient", a expliqué Condoleezza Rice dans son discours prononcé au congrès américain en octobre dernier.

Il s'agit, bien entendu, de l'Iran. "Il y a quelques temps, nous n'avions pas parlé du soutien éventuel de l'Iran au Hamas. Nous savions que l'Iran soutenait quelques groupes terroristes marginaux. Mais, à présent, nous voyons le niveau des contacts de l'Iran avec les éléments palestiniens les plus radicaux", a-t-elle poursuivi.

Les Etats-Unis sont loin d'être les seuls à s'inquiéter de l'accroissement de l'influence de l'Iran dans la région, "c'est la motivation des Jordaniens, Egyptiens, Saoudiens, Palestiniens et des Israéliens de se réunir avec les Etats-Unis au sein d'une coalition contre ce joueur radical", estime Tamara Kaufmann Whites, chercheur à la Brookings Institution, un des principaux centres d'études des Etats-Unis, où elle dirige le programme de développement de la démocratie au Proche-Orient.

Il est à noter que la popularité des leaders iraniens et pro-iraniens dans les pays arabes est devenue un problème non seulement régional, mais aussi intérieur des régimes au pouvoir au Proche-Orient. Selon les sondages d'opinion effectués dans six pays arabes après la guerre du Liban de l'été 2006, Hassan Nasrullah, leader du Hezbollah, occupe la première place pour la cote de popularité parmi les leaders mondiaux les plus influents, ensuite vient le président iranien Mahmoud Ahmadinejad. Cependant, la population des pays arabes est de plus en plus mécontente des élites au pouvoir dans ces Etats qui sont accusées de corruption, de refus de réaliser des réformes économiques libérales et de politique pro-occidentale.

La participation de tous les Etats arabes à la conférence de paix à Annapolis, y compris celle d'un joueur aussi pro-iranien que la Syrie, sera un point symbolique important de la stratégie géopolitique des Etats-Unis. Selon Tamara Kaufmann Whites, "la reprise du processus de paix cimentera la coalition contre l'Iran".

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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